Evren Süreyyya (ed.), CANAN: Behind Mount Qaf, cat. expo., Arter, Istanbul, (Septembre 2017- février 2018), Istanbul, Arter, 2018
→Söyler Meral (ed.), Canan Şenol : Bıyık Kedide de Vardır [Même un chat a des moustaches] exh. cat., Gallery Xist, Istambul (21 janvier – 13 février 2010), Istambul, Arti Sanat Üretim Hizmetleri, 2010
→CANAN, Altindere Halil, Aslan Sema et Yildiz Ilgin, CANAN, Istanbul; Berlin, Art-ist ; Revolver Publishing, 2014
CANAN : Behind Mount Qaf, Arter, Istanbul, septembre 2017 – février 2018
→Shining Darkness, Rampa Gallery, Istanbul, janvier – février 2016
→Segregate, KiBela, space for art, Maribor, mai – juin 2010
Plasticienne kurdo-turque.
Après des études en gestion d’entreprise à l’université de Marmara, CANAN sort diplômée du département de peinture en 1998. Elle commence sa carrière d’artiste sous le patronyme de son mari (Şenol). Cependant, après son divorce, elle décide de ne plus utiliser ce nom et de ne pas revenir à celui de son père (Şahin), refusant ainsi de se conformer aux normes patriarcales du droit civil turc. Dans le manifeste qu’elle publie lors de la Journée internationale des femmes en 2010, elle déclare qu’elle veut être connue sous le seul nom de CANAN et qu’elle renonce à tout nom de famille.
CANAN, de son propre aveu, est une artiste féministe militante qui rejette toute conformité aux catégories artistiques. Le cosmos matériel et visuel qu’elle crée dans son œuvre consiste en des formes et des supports qui vont des techniques traditionnelles et numériques à l’artisanat.
La multiplicité des procédés qu’elle utilise se retrouve dans des œuvres singulières où s’intègrent, par exemple, des éléments de miniature et de photographie, créant des images telles que Kardeş Kardeşi Öldürürken Bir Baba Olunu Feda Ediyor [Lorsque des frères s’entretuent, un père sacrifie un fils, 2009] et Şahmaran [Shahmaran, 2011]. Cette coexistence de techniques et de disciplines fait partie de sa démarche féministe, qui s’intéresse aux catégorisations hiérarchiques au sens large sans se limiter aux seuls domaines du genre et de la sexualité. Le mélange des oppositions binaires, la juxtaposition de ces dualités supposées — Orient et Occident, imaginaire et réel, lumière et obscurité — façonne sa pratique et constitue l’une des caractéristiques essentielle de l’œuvre de CANAN. De plus, dans des compositions telles que Cennet Kapısı [Porte du ciel, 2017], ces coexistences sur plusieurs couches rassemblent des composantes de forme et de fond qui, en art, sont historiquement séparées.
Dans les entretiens qu’elle accorde, CANAN souligne, tout en situant son œuvre dans le cadre des études de genre et du poststructuralisme, l’influence de la maxime féministe « le personnel est politique » sur sa production artistique. Conformément à ce puissant précepte, l’artiste met en jeu le corps genré et n’hésite pas à avoir recours à la nudité de son propre corps. Dans des œuvres telles que Şeffaf Karakol [Poste de police transparent, 1998/2008], Türk Lokumu [Loukoum turc, 2011] et Hezeyan [Délire, 2014], le corps est pensé comme un lieu de contradictions, lesquelles trouvent leurs racines dans différents mécanismes de discipline. Dans d’autres œuvres, comme Kybele [Cybèle, 2000] et Uzak Orman Yakın Şehir [Forêt lointaine près de la ville, 2015], CANAN aborde l’occupation de l’espace par la corporalité à travers l’interaction et l’expérience.
CANAN associe son travail à l’histoire politique de la Turquie et à ses mouvements sociaux. Ce lien apparaît parfois dans des œuvres telles que le film d’animation VakVak Ağacı [L’Arbre waq-waq, 2010] ou les miniatures 1 Mayıs [1er mai, 2010] et İstiklal Caddesi — Direniş [Rue Istiklal — Résistance, 2014]. Par ailleurs, ces associations transgressent les limites de l’objet d’art, comme c’est le cas de l’exposition Haksız Tahrik [Provocation injuste], qu’elle organise en 2009 à Hafriyat Karakö, et qui doit son nom à un article du Code pénal turc justifiant les réductions ou les remises de peine en cas de féminicides. Cette exposition, où se mêlent art et militantisme, artistes et militants, marque un tournant décisif dans la carrière de CANAN. Outre ses expositions personnelles en Turquie et en Europe, CANAN a participé à plusieurs expositions collectives, comme Global Feminisms au Brooklyn Museum en 2007. Ses œuvres font partie de diverses collections institutionnelles, dont le Centre Pompidou à Paris, la Pinakothek der Moderne à Munich, le Davis Museum du Wellesley College aux États-Unis, l’Arter et le musée d’Art moderne d’Istanbul.
Une notice réalisée dans le cadre du réseau académique d’AWARE, TEAM : Teaching, E-learning, Agency and Mentoring
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