Toutikian, Anita, Narrative Analysis of the Exbroideries of Hripsimeh Sarkissian 1908-2000, Istanbul, DEPO, 2015
Exbroideries, Depo, Istanbul, 24 avril – 31 mai 2015
→Exbroideries, Badguèr, Bourj Hammoud, 18 avril – 18 mai 2014
Artiste textile arménienne originaire de Turquie.
Née dans une famille de commerçants de tapis et autres objets, dans une région où la fabrication de textiles est l’une des activités principales, notamment pour les femmes, Hripsimeh Sarkissian se familiarise avec les motifs et les techniques liées au textile dès son enfance. En 1915, H. Sarkissian, qui est alors enfant, survit au génocide arménien. Mais elle perd la plupart de ses proches, dont son père, ainsi que ses frères et sœurs, au cours de ces atrocités. Près de vingt ans plus tard, en 1938, elle échappe au massacre de Dersim, une campagne militaire menée contre les communautés non turques et non sunnites de la région, cette fois-ci avec son mari et ses enfants. Elle est issue de l’une des rares familles arméniennes à avoir échappé aux exécutions dans leur village, contrainte de quitter sa maison avec des milliers d’autres personnes. Pendant près de dix ans, sa famille vit dans des conditions très difficiles. Ce n’est qu’après 1947, lorsque la loi sur la colonisation en Turquie est modifiée afin d’autoriser les communautés déplacées à retourner chez elles, qu’elle et sa famille peuvent se rendre à Elazığ, une ville voisine de leur Dersim natal.
Après la mort de son mari, au début des années 1970, elle se redirige vers les travaux d’aiguille et la broderie. Ses broderies sont principalement réalisées sur des objets de la vie quotidienne, comme des paillassons, des torchons de cuisine et des sous-verres. Avec leurs formes irrégulières, leur composition inhabituelle et leur aspect brut, ces objets contrastent de manière significative avec les techniques et les styles de couture traditionnels pratiqués principalement dans les villes d’Antep, de Maraş et d’Urfa. Les couleurs vives de ces motifs géométriques complexes et abstraits participent grandement à l’engouement pour ses œuvres. Créées alors que H. Sarkissian souffrait d’une grave perte de vision, les pièces sont non seulement riches visuellement mais aussi imprégnées de texture. Le dynamisme des textures empêche ces œuvres d’être des surfaces planes, invitant irrésistiblement le spectateur à s’en approcher et à les toucher – ce qui, lors de certaines expositions, n’était pas, comme c’est généralement le cas, expressément interdit.
L’une de ses petites-filles, Anita Toutikian, devient par la suite une collectionneuse passionnée de broderie et fait connaître ces objets textiles particuliers ainsi que l’histoire de leur créatrice. Elle a exposé pour la première fois les broderies de H. Sarkissian au Liban lors d’une installation artistique personnelle. Sa deuxième exposition consacrée à ces broderies a eu lieu en Turquie, accompagnée cette fois-ci d’une publication et d’un court-métrage dont elle était l’autrice, intitulé Longing and Belonging : A Video about the Life and Works of Hripsimeh Sarkissian [Désir et appartenance : une vidéo sur la vie et l’œuvre de Hripsimeh Sarkissian, 1908-2000]. Cette exposition a été inaugurée en 2015, à l’occasion du centième anniversaire du génocide arménien.
A. Toutikian a commenté les broderies de sa grand-mère en faisant un lien avec l’expérience vécue par H. Sarkissian. Elle a également nommé ces œuvres en se référant à des événements, des personnes et des lieux spécifiques de la vie de sa grand-mère. Dans ce cadre, les broderies de H. Sarkissian ont également été chargées d’un rôle informatif, ce qui va dans le sens des efforts déployés pour la commémoration du génocide arménien et la lutte contre les violations des droits humains.
Une notice réalisée dans le cadre du réseau académique d’AWARE, TEAM : Teaching, E-learning, Agency and Mentoring
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