Asako Narahashi, Dawn in Spring, Tokyo, Osiris, 2023
→Asako Narahashi, et Martin Parr. Half Awake and Half Asleep in the Water, Paso Robles, Nazraeli Press, 2007
→Asako Narahashi, NU・E, Tokyo, Sokyusha, 1997
Dawn in Spring, PGI, Tokyo, 1er février-18 mars, 2023
→A retrospective – Asako Narahashi, IBASHO, Anvers, 7 septembre-15 octobre 2017
→Half awake and half asleep in the water, il tempo, Tokyo, 2002
Photographe japonaise.
Asako Narahashi participe à un atelier de photographie animé par Daidō Moriyama (1938-) en 1986, alors qu’elle est encore étudiante à l’université Waseda. Trois ans plus tard, en 1989, elle monte sa première exposition, Dawn in Spring, qui a fait l’objet d’une publication en 2023. L’ouvrage rassemble des clichés en noir et blanc dont les motifs jouent sur les principes « are, bure, boke » [brut, flou, trouble] chers à D. Moriyama, tout en en divergeant légèrement. Ils ont été pris lors d’un voyage qu’A. Narahashi effectue dans la région méridionale de Kyūshū, poussant même jusque dans les îles tropicales d’Okinawa et de Taketomi. Chaque photo est accompagnée d’une note, tel un journal de voyage.
L’année 1989 est une charnière dans l’histoire du Japon, qui éloigne définitivement le pays des années qu’ont connues depuis 1960 D. Moriyama et ses compagnons de la revue Provoke, témoins d’une société en pleine évolution. Elle marque en effet la fin des années Shōwa pour entrer dans l’ère Heisei, avec l’avènement du nouvel empereur, l’introduction de la TVA et la fin annoncée d’un développement constant et soutenu. Pour l’artiste, cette année marque aussi ses débuts en tant que photographe professionnelle. En 1990, elle ouvre sa propre galerie, 03 FOTOS, qui lui permet de présenter ses séries NU-E au cours de dix-sept expositions entre 1992 et 1997, réunies dans un album publié en 1997. Le vocable nu-e fait référence à une créature fantastique de la mythologie japonaise, à la tête de singe, aux pattes de tigre et à la queue de serpent. Autrement dit, c’est une métaphore pour parler de quelque chose dont les contours sont insaisissables, dont la forme se métamorphose sans cesse. C’est le terme retenu par A. Narahashi pour définir ce qu’elle cherche à saisir de la société japonaise après l’effondrement du mythe d’une croissance économique perpétuelle, avec ses villes ultra-modernes qui coexistent avec des campagnes plus traditionnelles.
Après l’exploration de ces images en noir et blanc, A. Narahashi a commencé à prendre une série de photographies en couleur intitulée as half awake and half asleep in the water (à moitié éveillé à moitié endormi dans l’eau), qui a été rassemblée dans un livre de photos publié en 2007 avec le même titre que celui de la série. Cette série, qui se poursuit encore aujourd’hui, rassemble des vues prises depuis la mer en direction du littoral. Chaque photo est accompagnée d’un titre qui explique le lieu, mais ce qu’on y voit est totalement différent des perspectives habituelles. A. Narahashi place son objectif à hauteur de l’eau, au ras de la vague. Il n’y a plus d’ancrage solide sur le sol, l’angle est parfois aléatoire, souvent incliné. La composition des images rappelle un tableau d’expressionnisme abstrait des artistes du mouvement color-field : la moitié inférieure consiste en un premier plan flou rempli d’eau – la surface de la mer – tandis que la moitié supérieure découvre le ciel, les bâtiments sur la terre, les montagnes au loin. Ainsi que le suggère le titre de la série, ce cadrage est celui de quelqu’un « mi-réveillé, mi-endormi » – sans doute l’interprétation d’A. Narahashi du « are, bure, boke » de D. Moriyama, une façon de décrire notre condition contemporaine, où il est facile de se laisser emporter et engloutir par les flots sans pouvoir se rattacher à une histoire commune qui pourrait nous servir d’ancrage. Cette perspective peut certes paraître effrayante, mais elle symbolise aussi une fluidité qui s’apparente à un état second de la conscience. Peut-être les œuvres de half awake and half asleep permettront-elles à notre imagination d’appréhender l’océan dans son intégralité, lui qui représente 70 % de notre planète, alors que ses terres sont ce pourquoi l’humanité n’a cessé de se battre depuis que l’histoire existe.
A. Narahashi est récompensée par le prix du jeune talent de la Société photographique du Japon en 1998 et elle reçoit le prix du photographe japonais lors de la 24e édition du prix Higashikawa en 2008.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Artistes femmes au Japon : XIXème – XXIème siècle »
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