Lutgen, Berthe (dir.), L’enjeu, Luxembourg, (Autoédition), 2021
→Nowara, Malgorzata, Wallenborn, Michèle et Zutter, Stefanie, Summer of ’69 – L’art politique de Berthe Lutgen et Misch Da Leiden depuis les années de révolte, cat. exp., Villa Vauban, Luxembourg (27 novembre 2021 – 22 mai 2022), Luxembourg, Villa Vauban, 2021
→Mosar, Christian, Clarinval, France, Berthe Lutgen, Faire Face, Luxembourg, Ultimomondo, 2014
L’Emprise du Réel, Centre culturel de rencontre Abbaye de Neumünster, Luxembourg, 13 juillet – 28 août 2022
→Figure in Print, Bibliothèque nationale du Luxembourg et Musée national d’Histoire et d’Art, Luxembourg, Luxembourg, 22 janvier– 27 juin 2021
→Summer of ’69 – L’art politique de Berthe Lutgen et Misch Da Leiden depuis les années de révolte, Villa Vauban-Musée d’art de la Ville de Luxembourg, Luxembourg, 27 novembre 2021 – 22 mai 2022
Artiste peintre luxembourgeoise.
Berthe Lutgen est une pionnière du happening, qu’elle introduit au Luxembourg dès 1969, et une militante féministe de la première heure, fondatrice du Mouvement de libération des femmes (MLF) à Luxembourg en 1971, œuvrant par son art pour la libre disposition du corps des femmes et la remise en question de la société patriarcale.
B.Lutgen étudie à l’École nationale supérieure des beaux-arts à Paris (1959-1961), pour ensuite fréquenter l’académie de Munich (1962). Ses premières œuvres matiéristes, inspirées de l’informel de Jean Léon Fautrier (1898-1964), virent vers 1967 à la peinture figurative.
Dans le contexte contestataire de Mai 68, du tout permis et artistiquement expérimenté, B. Lutgen cofonde le Arbeitsgruppe Kunst [Groupe de travail sur l’art, 1968-1970], collectif à l’origine de We call it Arden and we live in it (octobre 1968), un tableau-environnement vivant de 20 m2, pastiche du Déjeuner sur l’herbe, avec B. Lutgen comme seule femme parmi les artistes installés sur une prairie artificielle.
La position de l’artiste est manifeste dans l’emblématique Beinserie [Série de jambes, 1969] : cinq tableaux de corps féminins en petites culottes, peints à l’aérographe et montés sur une plaque Resopal d’un rouge éclatant. L’installation inclut une performance de femmes debout, bras croisés entre les tableaux, confrontant ainsi l’objectivation symbolisée par les images.
B. Lutgen transite par l’académie des beaux-arts de Düsseldorf de 1972 à 1976, où elle suit un cursus en dessin dans la classe de Joseph Beuys (1921-1986) et apprend un procédé de sérigraphie qu’elle utilise dans une croisade personnelle contre le langage sexiste de la publicité. Elle crée ainsi des œuvres percutantes d’une grande inventivité graphique et collagiste à l’exemple de Das Leben verläuft nun mal in Kurven [La vie est faite de courbes, 1976].
Après un passage à la Rheinische Friedrich-Willems-Universität à Bonn (1978-1979), où elle est inscrite en linguistique française, B. Lutgen devient professeure d’éducation artistique dans l’enseignement secondaire au Luxembourg (1979-1996).
Tout au long de sa carrière, le langage coloriste et dessiné à tendance réaliste de B. Lutgen, perpétuelle indignée, se réfère à la représentation de la femme dans la société et dans l’art, ainsi qu’à tous les désastres et les violences écologiques et humanitaires. Son œuvre dénonce de front ou en allusions, appropriations et citations détournées, à l’exemple de la nature morte dans Lockdown (2021).
Parmi ses œuvres phares, The Deciders (2015) est une synthèse visuelle du pouvoir : au centre de l’image, l’ancien chef de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, et sur les bords, une liste de chiffres liés à des entreprises incarnant l’hégémonie masculine aux postes de direction. Dans Der Schrei (Le Cri, 2016) les portraituré·es parodient la posture angoissée du Cri d’Edvard Munch (1863-1944). Enfin, la fresque de dix mètres La Marche des femmes (2017-2019), débutée lors des quarante ans de la Journée internationale des droits des femmes et achevée pour le centenaire du droit de vote des femmes au Luxembourg, où, en portraits en pied, des femmes de tous pays et ethnies avancent déterminées.
B. Lutgen est la lauréate de la première édition du Lëtzebuerger Konschtpräis en 2022, prix national en arts visuels décerné par le ministère de la Culture luxembourgeois, qui distingue autant sa singularité artistique que son combat citoyen, sur tous les fronts de l’actualité sociale, politique, environnementale.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « AWARE x Luxembourg », en partenariat avec la Konschthal Esch et la Ville d’Esch-sur-Alzette
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