Castro Jan Garden, The Art & Life of Georgia O’Keeffe, New York, Crown, 1985
→Lynes Barbara Buhler, Georgia O’Keeffe: Catalogue Raisonné, New Haven/Washington, Yale University Press/National Gallery of Art, 1999
→Kristeva Julia, Cowart Jack & Laroche Martine, Georgia O’Keeffe, Paris, A. Biro, 1989
Georgia O’Keeffe, musée national d’Art moderne, Centre Pompidou, Paris, 8 septembre – 6 décembre 2021
→Georgia O’Keeffe et ses amis photographes, musée de Grenoble, 7 novembre 2015 – 7 février 2016
→Georgia O’Keeffe: Abstraction, Whitney Museum of American Art, New York ; The Phillips Collection, Washington ; Georgia O’Keeffe Museum, Santa Fe, septembre 2009 – septembre 2010
→Georgia O’Keeffe, Kunstforum, Vienne, 7 décembre 2016 – 26 mars 2017
Peintre états-unienne.
Georgia O’Keefe fut la seule femme peintre de la première vague de « l’abstractionnisme » américain formée autour d’Alfred Stieglitz à New York. Elle quitte en 1907 la ferme familiale pour étudier à l’Art Institute de Chicago, puis à l’Art Students League de New York – formation académique qui lui permettra, à partir de 1911, de gagner sa vie en enseignant les arts plastiques et le dessin publicitaire. Influencée par l’avant-garde française et les écrits de Kandinsky, G. O’Keeffe adopte en 1915 une sorte d’abstraction « organique », proche de celle d’Arthur Dove, considéré comme le pionnier de la peinture abstraite américaine. Formes géométriques, lignes courbes souples et fluctuantes, espaces embrasés, traversés de leurs colorées, vont lui permettre de représenter, par séries, les multiples modulations de ses états d’âme et de définir un style singulier, s’éloignant des autres premiers « abstraits » américains, comme Marsdsen Hartley et John Marin. Le photographe et galeriste peut-être le plus décisif de la scène new-yorkaise de l’époque, A. Stieglitz (éditeur de la revue Camera Work), lui consacre une première exposition personnelle en 1917, saluant ses nouvelles aquarelles incandescentes, où la lumière joue un rôle égal à celui de la composition abstraite. En 1918, la peintre le rejoint à New York (ils se marieront en 1924) ; il lui organisera chaque année une exposition. L’interrogation des forces cosmiques naturelles constitue, dès 1919, le fil conducteur de son travail.
Ses peintures, non mimétiques, quasi abstraites (Lake George with Crows, 1921) sont des « paysages intérieurs », des sortes de projections mentales définies par des variations chromatiques : l’artiste explore volontiers une seule couleur – le bleu nocturne ou maritime (Blue, 1916-1917) ou le rouge solaire -, qu’elle décline sous différentes combinaisons et nuances d’une grande fluidité, mais toujours précisément définies. Ces modulations formelles « subjectives » expriment des sensations d’extase puissantes : flore, mer et cosmos se mêlent en un même flux d’expansion, qui impose son rythme de croissance en courbes parallèles ou concentriques, en symétries régulières. Parallèlement à ces compositions, la peintre continue à s’attacher à des figurations précises d’objets (fruits, fleurs, coquillages) ou de nus, ou même d’architectures urbaines (City Night, 1926) dont elle explore la « nature » tout à la fois explosive et secrète qui exerce sur elle la même fascination que celle des couchers de soleil, des nuages ou des vagues (Grey Line With Lavender and Yellow, 1923 – 1924). Ainsi, dans ses très nombreuses peintures de fleurs géantes des années 1920-1930, le référent disparaît quasiment : les formes abstraites de Grey Blue and Black-Pink Circle (1929) évoquent tout aussi bien la coiffe d’une poupée indienne que les pétales d’une plante. S’agissant d’une expression plastique de femme, la critique américaine n’a pas manqué de souligner l’analogie de ces abstractions figuratives avec les formes en volutes d’un espace intime, éminemment sexuel.
Si, dans les années 1930, la vague abstraite américaine est, sinon condamnée, du moins déconsidérée – les attaques culminent à l’occasion de l’exposition Abstract Painting in America, au Whitney Museum à New York en 1935 –, la place de l’œuvre de G. O’Keeffe trouve une nouvelle écoute auprès des tenants de la nouvelle abstraction biomorphique non géométrique, encouragée par Alfred Barr dans son exposition Fantastic Art, Dada, Surrealism, au Museum of Modern Art en 1937. Alors que son « formalisme » mystique, hésitant entre abstraction et figuration lui est reproché (ainsi que son attachement à la couleur expressionniste fauve) par les partisans d’une abstraction froide géométrique – il répond en effet aux nouvelles injonctions attachées à l’expression subjective d’un « élan vital » –, il captera l’attention des expressionnistes abstraits dès les années 1945-1955 (Gottlieb, De Kooning), mais aussi celle des adeptes d’une abstraction optique, qui reconnaissent l’audace de ses cadrages ? Relevant d’une démarche résolument indépendante, son œuvre pionnière ouvre, cinquante ans plus tôt, la voie à cette abstraction « antipuriste, antibauhausiste, antisystémique […], additive, subjective, locale, spécifique, pleine de couleurs, joyeuse, tarabiscotée », prônée par l’artiste féministe Joyce Kozloff en 1976. Sont créées la Alfred Stieglitz/Georgia O’Keeffe Foundation à Abiquiú (Nouveau-Mexique) en 1998.