Figure majeure de la scène artistique contemporaine d’Istanbul à partir des années 1990, Gülçin Aksoy produit des œuvres embrassant différents médiums, tels que la tapisserie, la photographie, la vidéo, la performance et l’installation. Elle utilise des matériaux divers, dont les objets trouvés et les tissus de récupération. G. Aksoy aborde les différentes sortes de mécanismes du pouvoir dans le cadre de sa pratique, qui est loin des formes purement visuelles de la création artistique et qui demande, au contraire, un engagement conceptuel approfondi de la part du public.

Après l’obtention, en 1986, de son diplôme d’enseignante d’art à l’université Ondokuz Mayıs de Samsun, G. Aksoy poursuit ses études en peinture à l’université des beaux-arts Mimar-Sinan, à Istanbul (1995). Elle y travaille d’abord comme assistante de recherche à l’atelier de gravure entre 1990 et 1992, puis est transférée à l’atelier de tapisserie, avec les peintres Zekai Ormancı (1949-2008) et Özdemir Altan (né en 1931), au sein du département de peinture de la même université. Elle est chef de l’atelier de tapisserie de 2008 à 2024. Sans séparer son identité d’artiste de son rôle de professeure, G. Aksoy développe une éthique de l’enseignement mettant au premier plan l’égalité au sein de l’atelier. Dans le cadre de sa méthode alternative de formation et de création artistique, elle encourage ses élèves à désapprendre le savoir académique. Learning Process est une œuvre qu’elle réalise avec ses élèves et qui représente l’apogée de sa philosophie de l’enseignement ; elle est exposée à Academiae, la biennale artistique des jeunes, en Italie, en 2018.

Son œuvre Geç Kaldın [Vous êtes en retard, 2000], acclamée, est d’abord présentée en 2002 dans le cadre des Pedestrian Exhibitions, l’une des expositions les plus importantes présentées dans les espaces publics d’Istanbul, organisée par Fulya Erdemci. Pour cette occasion, l’artiste produit une grande horloge qui est placée dans un parking de voitures. L’horloge indique le texte « geç kaldın » [vous êtes en retard] à la place des chiffres, pointant du doigt la société de consommation, où règne l’inconfort permanent, et symbolisant l’inconscience de la société turque, qui se sent à la traîne en matière de modernisation.

Benjamine de sa famille, G. Aksoy grandit avec trois sœurs et deux frères aînés. L’un de ses frères meurt de manière tragique, d’une balle tirée par un policier lors des événements qui font suite au coup d’État de 1980 en Turquie. L’artiste examine les cicatrices personnelles et sociales causées par cet épisode et ses répercussions sur sa famille dans une exposition intitulée Duble Hikâye [Double histoire, 2014], à Depo Istanbul, en 2014. G. Aksoy représente l’esthétique des périodes de l’avant- et de l’après-coup d’État. Son histoire a pour point de départ le récit de sa sœur, contrainte de demander l’asile en Suède après que leur frère a été tué. L’une de ces œuvres, Kılık Kıyafet [La tenue, 2014], particulièrement mise en avant, reprend les vêtements à rayures que sa sœur lui a empruntés juste avant de quitter définitivement le pays. Trois décennies plus tard, G. Aksoy se rend compte que cette tenue, à la mode à l’époque, ressemble à un uniforme de prison.

Au cours des années 2000, G. Aksoy produit des expositions de manière indépendante et travaille à de nombreux projets collectifs avec des amies, artistes importantes de la scène contemporaine turque, comme Nancy Atakan (née en 1946), Gül Ilgaz (née en 1962), Neriman Polat (née en 1968) et Gözde İlkin (née en 1981).