L’Art autrement vu : quand la modestie fleure le raffinement. Hommage à Leila Fehat, Institut Français d’Oran, galerie Art’Weka, Oran, 31 janvier – 25 février 2021
→Exposition des œuvres de Baya Mahiedine et Leïla Ferhat, Galerie Art’WekaOran, décembre 2018
→Leila Ferhat, Galerie Civ’œil, Oran, 8 – 30 mars 2016
Peintre et céramiste algérienne.
Leila Ferhat fait partie des doyennes de la peinture algérienne ; elle est l’une des premières femmes de son pays à entrer dans une école d’art. C’est à l’école primaire que ses dessins retiennent l’attention de sa professeure de français qui l’encourage à reproduire des œuvres de Vincent van Gogh (1853-1890). Sa passion pour la peinture grandit et elle découvre alors les tableaux des grands noms de la peinture dont elle collectionne les images sur cartes postales et sur timbres, qu’elle restitue ensuite sur des supports variés. Son intérêt pour ce médium s’affirme à son entrée à l’École des beaux-arts d’Oran dont elle sort diplômée en 1969. En 1971, elle complète sa formation à l’École des beaux-arts et d’architecture d’Alger sous la houlette des fondateurs de la peinture moderne algérienne, comme M’hamed Issiakhem (1928-1985) et Choukri Mesli (1931-2017), et y devient enseignante de 1972 à 1975.
L. Ferhat se consacre alors entièrement à la peinture, comme s’il s’agissait d’un sacerdoce, avec application et ténacité. Les premières œuvres de cette artiste réservée et discrète, signées « Leila » – esquisses figuratives de paysages et scènes de genre, lumineuses et teintées d’une naïveté attendrissante –, laissent bientôt place à des travaux dans lesquels l’évocation presque abstraite du quotidien est une poésie en mouvement. Son langage simple, accessible, allant à l’essentiel, et l’empathie qui s’en dégage lui acquièrent l’adhésion rapide du public. Cela l’incite à parfaire sa technique, son style, et à pousser plus loin ses recherches esthétiques.
L. Ferhat puise son énergie créatrice dans l’environnement national, elle décrit son pays et ses traditions, son émotion face aux souffrances et aux joies vécues. Cependant, c’est aux femmes que l’artiste accorde le plus d’intérêt : « Mon sujet préféré reste la femme, femme au travail, femme libre, femme avec l’homme », affirme-t-elle. Dans ses aquarelles, les femmes sont traversées par un tourbillon de lignes, cassures et autres formes cubistes et imaginaires, éclairées de jaunes et de bleus, qui traduisent le poids des années d’écrasement, de contraintes, de détresse, mais rendent du même coup à ces êtres leur dignité et leur grandeur (Femme au travail, 2008). Entre abstraction et réalisme, L. Ferhat marie une recherche esthétique semi-abstraite à des interrogations de type social. Fileuses, liseuses, danseuses célébrant des corps libérés tout en finesse et en transparence (Ballerine, 1990), maternités, au pastel, à la gouache ou à l’encre : les sujets sont toujours représentés dans une lumière colorée, une réminiscence des formes, des courbes enchevêtrées, des tracés et des signes du terroir, comme autant de féminités parées d’atours ancestraux et embellies par la nostalgie.
C’est dans ses souvenirs que l’artiste puise les nuances, traits et teintes qui lui permettent de restituer l’émotion que son monde dégage et la force de ses couleurs. En observatrice sincère, complètement investie dans ce qu’elle crée, l’artiste donne à voir un univers d’images épurées, exprimant l’atmosphère du sud de l’Algérie.
Des ciels sereins, des oasis au sable brun qui se fond avec le bleu du paysage, des vestiges d’un temps révolu : c’est tout un monde illuminé, tout en délicatesse, où les bleus dominants sont sublimés par des touches jaunes, des ocres (Les Bédouins, 2008). Ces couleurs ravivent l’image du Sahara qu’elle nous conte avec une simplicité qui n’a d’égal que l’authenticité de son discours artistique.
L. Ferhat expose pour la première fois en 1967 dans différentes villes en Algérie ; elle présente ensuite son travail en France, dans d’autres pays du Maghreb, au Japon, en Allemagne, au Québec, aux Émirats arabes unis… Ses œuvres font entre autres partie des collections du musée national des Beaux-Arts d’Alger, du musée national Zabana à Oran et de la présidence de la République algérienne. Elle a reçu de remarquables distinctions, comme le premier prix du grand prix de peinture de la ville d’Alger en 1977 et 1979, la médaille d’or au Salon international de Riom en 1980 et la médaille d’or au IIIeSalon international du Puy-en-Velay en 1982.