Xavier Salmon, « Alexandre Roslin pastelliste », dans Alexandre Roslin, 1718-1793. Un portraitiste pour l’Europe, cat. exp., château de Versailles, Versailles [19 février – 19 mai 2008], Paris, Réunion des musées nationaux, 2008, p. 70-77
Pastelliste française.
Marie-Suzanne Giroust ne compte pas au nombre des artistes femmes les plus célèbres du XVIIIe siècle. Pourtant, elle est l’une des rares à avoir été reçues au sein de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Mais décédée trop tôt – elle n’a que trente-huit ans quand elle est emportée par un cancer –, elle ne laisse que peu d’œuvres.
Fille de Barthélemy Giroust, marchand-mercier et joaillier de la Garde-Robe du roi qui tient boutique près de l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie, à Paris, et de sa seconde épouse, Marie-Suzanne Le Roy, M.-S. Giroust est élevée par sa grand-mère après le décès de son père en 1742 et celui de sa mère en 1745. L’enfant semble manifester rapidement quelque talent dans l’art du dessin et une inclination pour les arts qui conduisent à la placer dans l’atelier du peintre Joseph Marie Vien (1716-1809). C’est auprès de ce maître qu’elle acquiert les rudiments de la peinture mais aussi qu’elle fait la connaissance d’Alexandre Roslin (1718-1793). Ce portraitiste suédois n’est pas insensible à la jeune femme et lui fait part de ses sentiments, qui sont partagés ; mais, comme il est de nationalité étrangère et surtout de religion réformée, il lui faut attendre cinq années avant d’obtenir l’autorisation d’épouser M.-S. Giroust, le 8 janvier 1759 en l’église Saint-Eustache, à Paris.
Le couple est particulièrement soudé et heureux. M.-S. Roslin parvient à concilier sa vie de famille – elle donne naissance à six enfants – et ses aspirations artistiques. En 1759, l’année de ses noces, la jeune femme jouit déjà d’une certaine réputation. Dans La Feuille nécessaire : contenant divers détails sur les sciences, les lettres et les arts parue le 2 avril, on peut en effet lire (p. 118) : « Les femmes partagent aujourd’hui avec les hommes tous les genres de talens : à l’égard de la Peinture, si leur composition n’est pas toujours aussi hardie, la beauté du coloris se trouve plus souvent dans leurs Ouvrages. Madame Rosselin, élève du célèbre M. de la Tour, a fini depuis peu divers morceaux en pastel, dans lesquels on remarque la fraîcheur et la vérité du coloris de cet excellent maître. Elle réussit particulièrement dans le portrait, elle saisit très bien la ressemblance et le ton de la carnation. »
Peut-être la jeune artiste est-elle entrée dans l’atelier de Maurice-Quentin de La Tour (1704-1788) quelques années auparavant puisqu’il semble qu’elle ait copié dès 1752 le portrait de la comtesse de Coventry que son maître a représentée en compagnie de son chien. Très certainement le célèbre pastelliste a-t-il été généreux dans ses conseils puisque M.-S. Roslin a désiré lui rendre un hommage appuyé en se représentant elle-même, peut-être en 1760, en train de copier le célèbre autoportrait de M.-Q. de La Tour « à l’index » (collection particulière).
Avec le soutien d’A. Roslin, l’artiste est agréée et reçue à l’Académie royale de peinture et de sculpture le 1er septembre 1770 sur présentation de son portrait au pastel du sculpteur Jean-Baptiste Pigalle (Paris, musée du Louvre). Les éloges se font alors nombreux. Au sujet de l’effigie de Pigalle, Denis Diderot écrit : « C’est un bon portrait, bien ressemblant, et qui fait honneur à Madame Roslin ; la couleur en est belle et vigoureuse. Et d’ailleurs, indépendamment de la beauté du tableau, quand il n’aurait que l’avantage de nous conserver les traits de M. Pigalle, ce morceau devrait toujours être cher aux amateurs, ainsi qu’aux artistes. » Fin août 1772, M.-S. Roslin décède, emportée par un cancer du sein, sans pouvoir offrir aux amateurs de nouvelles preuves de son grand talent.