Giunta, Andrea, “El arte negro es el Brasil”, in Revista Transas, Letras y Artes del América Latina, 2020
→Bevilacqua, Juliana Ribeiro da Silva, Lopes, Fabiana, et. al., Rosana Paulino: a costura da memória, São Paulo, Pinacoteca de São Paulo, 2018
→Paulino, Rosana, Imagens de Sombras (thèse de doctorat), Université de São Paulo, São Paulo, 2011
Rosana Paulino: A Costura da Memória, Pinacoteca de São Paulo, São Paulo, décembre 2018 – mars 2019
→Assentamento/ Settlement – Rosana Paulino, Clifford Gallery – Colgate University, New York, février – avril 2018
→Atlântico Vermelho, Padrão dos Descobrimentos, EGEAC, Lisbonne, octobre – décembre 2017
Artiste, pédagogue et chercheuse brésilienne.
Depuis le début de sa carrière artistique, en 1993, à São Paulo, Rosana Paulino a apporté sa contribution aux débats les plus importants concernant le Brésil, son art et sa population. Parmi ses travaux les plus éloquents à cet égard figure Parede da Memória [Mur de la mémoire, 1994-2015], réalisé durant ses études d’art à l’université de São Paulo, où elle obtient un doctorat en 2011. L’œuvre est composée de petits patuás sur lesquels sont imprimés les portraits d’hommes et de femmes noir·e·s de sa famille. Ces onze photographies, répétées non moins de 1500 fois, forment un immense mur de visages qui regardent et interpellent le spectateur.
Les lignes noires de la suture, élément fondamental de la poétique de R. Paulino, qui couvrent les yeux, les bouches et l’esprit des femmes de couleur représentées sur les photographies de sa série Bastidores [Châssis, 1997] fonctionnent comme une métaphore de la censure du rôle des Noirs dans la société brésilienne. Les représentations issues des sciences naturelles – de traités scientifiques conçus du point de vue du colonisateur européen – constituent un énorme réservoir d’images dont elle fait son matériau. En mettant violemment aux prises l’histoire, le racisme, le genre et la biologie, l’artiste accumule ainsi l’immense répertoire poétique que mobilisent ses installations, ses dessins, ses livres et ses vidéos.
Dans son installation Assentamento [Colonie, 2013], le corps de la femme réduite en esclavage, caractérisé à la manière de la recherche scientifique classique, est présenté de façon frontale, latérale et de dos, à la manière de ces traités qui visaient à dresser l’inventaire d’existences réifiées. Sur les images, R. Paulino insère, en impression et à partir d’un procédé proche de la broderie, un cœur, un fœtus et, au pied d’une des figures, des lignes évoquant à la fois des racines et des veines qui seraient les fondements de la résistance et de l’existence des descendants d’esclaves. À cette esclave noire sans nom, l’artiste restitue le droit d’être un humain. Des iPads présentent l’image de l’océan Atlantique enregistrée depuis un point fixe, en loop – référence au cycle de la naissance et de la vie d’un Kalunga –, et à la trajectoire du soleil dans le ciel, introduisant ainsi la dimension du temps, autre élément constant de sa production. Elle dispose également dans la salle une série de plateformes de bois sur lesquels elle place des mains et des bras de papier mâché mêlés à des piles de bois de chauffage, carburant d’une exploitation coloniale fondée sur l’extraction de matières premières et sur l’utilisation du corps noir comme moteur de ses entreprises. L’art de R. Paulino associe des corps et des existences, dans des images qui échappent aux représentations habituelles des sujets noirs dans les répertoires visuels brésiliens et latins, marqués par l’essentialisation et par une insistance sur la représentation de la douleur.
Son livre ¿História Natural? [Histoire naturelle ?, 2016] effectue une sorte de synthèse de sa démarche et de sa remise en cause du rôle de la science. Sur des images historiques sont ajoutées des phrases interrogeant les principes scientifiques et biologiques qui accompagnent l’histoire de la domination coloniale. Tous ces éléments sont reliés par la ligne de suture emblématique, quant à elle, des dispositifs expérimentaux déployés par l’artiste afin d’exprimer visuellement le temps et les marques symboliques et physiques que présentent les images et les phrases du livre.
L’idée d’une modernité fondée sur des principes rationnels, représentés au moyen d’un accent mis sur un formalisme de structure géométrique, a été importée par un Brésil assoiffé de modernité, qui découvrait dans l’art une de ses représentations principales. Dans la série A Geometria à Brasileira Chega ao Paraíso Tropical [La Géométrie à la brésilienne arrive au paradis tropical, 2018], l’histoire (blanche) de l’art brésilien devient aussi un espace de conflit, où l’artiste met aux prises l’histoire du « progrès » et celle de l’esclavage.
Tout au long de sa carrière, R. Paulino a joué un rôle important comme pédagogue et comme conseillère d’artistes plus jeunes, ainsi que dans les débats de l’art contemporain – dans ses convergences et ses divergences avec la culture brésilienne au sujet de la présence des Noirs.
Une notice réalisée dans le cadre du réseau académique d’AWARE, TEAM : Teaching, E-learning, Agency and Mentoring
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2022