Salgó, Eszter, Spiritualità e femminismo nero nell’arte pubblica di Simone Leigh [Spiritualité et féminisme noir dans l’art public de Simone Leigh], Milan, Postmedia books, 2020
Simone Leigh, The Institute of Contemporary Art, Boston, 29 mars – 4 septembre 2023
→Simone Leigh: Trophallaxis, Pérez Art Museum, Miami, 28 janvier 2022 – 12 février 2023
→Simone Leigh, Hauser & Wirth, Zurich, 17 septembre – 4 décembre 2021
Artiste états-unienne réalisant des sculptures, des performances, des vidéos et des installations.
Simone Leigh vient à l’art par son intérêt pour les études culturelles, la philosophie et les arts africains et américains. Ses sculptures de céramique et de bronze, son activité institutionnelle socialement engagée et l’ensemble de son œuvre constituent une investigation approfondie de la « noirceur » contemporaine et plus particulièrement de la subjectivité féminine noire. Très influencé par des penseuses telles que Hortense Spillers et Saidiya Hartman, son œuvre s’attaque au racisme systémique et au manque d’empathie envers les corps noirs, qui vient de leur déshumanisation dans le contexte états-unien. Cette déshumanisation implique un déni du plaisir, de la douleur, du savoir et de l’expérience des personnes. Son œuvre s’efforce de redonner à ces subjectivités une place centrale.
D’ascendance jamaïcaine et née à Chicago, S. Leigh grandit dans le South Side, où la ségrégation est forte, auprès de parents missionnaires pour l’Église du Nazaréen. En 1990, elle décroche un bachelor en art, option philosophie, au Earlham College à Richmond, dans l’Indiana, et commence à s’intéresser à la poterie et à l’argile. Elle entame une carrière de sculptrice de céramique à Brooklyn (New York) et persiste en dépit du mépris du monde de l’art pour cette discipline. Elle donne sa première exposition en 2001 à la Rush Arts Gallery.
En 2012, son exposition You Don’t Know Where Her Mouth Has Been à la galerie The Kitchen à New York présente une sculpture suspendue comme un lustre, représentant d’énormes coquillages de porcelaine, lesquels ont été moulés sur des pastèques. Dans cette œuvre, l’artiste s’efforce explicitement de réécrire le motif raciste que représente ce fruit en contexte états-unien. Elle travaille également sur l’unique personnage noir de la série Star Trek, Nyota Uhura, dans une œuvre vidéo de 5 minutes, Uhura (Tanka) [2012], qui marque son entrée dans le mouvement afrofuturiste. Rashida Bumbray, alors commissaire d’exposition de The Kitchen, organise ensuite l’emblématique exposition Free People’s Medical Clinic en 2014. Ayant reçu une commande d’œuvre des habitantes et habitants, S. Leigh crée dans le quartier de Weeksville à Brooklyn un lieu proposant de véritables services de santé, comme des test VIH, mais aussi des ateliers d’herboristerie, de danse et de yoga, entre autres. Elle poursuit son activité engagée avec The Waiting Room au New Museum de New York en 2016, un projet d’art social qui sensibilise à l’invisibilité de la douleur noire en mettant le bien-être des femmes noires au centre, expérimentant ainsi des modes concrets d’autopréservation par des ateliers de médecine douce, de méditation, etc.
Ces « installations sociales » cohabitent avec trois motifs sculpturaux principaux : les coquillages en céramique en forme de pastèque ; les installations architecturales monumentales, tel Brick House, un bronze de 2019 représentant un buste de femme noire et qui a trôné dans le parc de High Line à New York pendant deux ans ; et enfin les têtes en céramique de femmes noires sans traits, comme la série Face Jug (depuis 2018). Ce sont peut-être ces dernières œuvres qui montrent le mieux le jeu entre démonstration et révélation et qui sont le plus directement liées à l’activité sociale, y compris non publique, de S. Leigh. Ses sculptures de femmes n’ont souvent ni yeux ni oreilles, comme si elles gardaient un secret ou qu’elles échappaient au savoir englobant du dominant, manifestant activement leur refus, au sein même de l’exposition.
En 2022, S. Leigh devient la première femme noire à représenter les États-Unis à la Biennale de Venise et à remporter le Lion d’Or (pour son travail dans le cadre de l’exposition internationale) au côté de l’artiste britannique Sonia Boyce (pour le pavillon britannique), qui est la première femme noire à représenter le Royaume-Uni. L’ICA Boston ouvre en 2023 une rétrospective de sa carrière, permettant une compréhension holistique de ses diverses pratiques (céramique, bronze, vidéo…).
Une notice réalisée dans le cadre du programme « The Origin of Others. Réécrire l’histoire de l’art des Amériques, du XIXe siècle à nos jours » en partenariat avec le Clark Art Institute.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2022