Herkenhoff, Paulo et al, Luciferinas: Simone Michelin, Rio de Janeiro, Aeroplano Instituto Oi Futuro, 2011
→Chiarelli, Tadeu, Deslocamentos do Eu: O auto-retrato digital e pré-digital na arte brasileira (1976-2001) [Déplacements de soi : l’autoportrait numérique et prénumérique dans l’art brésilien (1976-2001)], Itaú Cultural Campinas, 2001
→Arantes, Priscila, Arte e Mídia, perspectivas da estética digital [Art et Médias, perspectives de l’esthétique numérique], São Paulo, SENAC São Paulo, 2006
10ª Bienal de Havana, São Paulo, mars 2009 – avril 2009
→Video Links Brazil, Tate Modern, Londres, mars 2007
→Made in Brasil: Três Décadas do Vídeo Brasileiro, 14e Festival Sesc_Videobrasil, São Paulo, septembre 2003 – octobre 2003
L’œuvre de Simone Michelin s’étend sur plus de quarante ans et comprend des vidéos, des photographies, des installations audiovisuelles immersives, de l’art sonore, des projets de réalité virtuelle et en ligne, ainsi que des performances. Sa création vaste et diversifiée explore l’intersection entre l’art, la science et la technologie. Cependant, elle ne met pas la technologie sur un piédestal, ni n’accepte que sa présence dans la société aille de soi. Au contraire, S. Michelin aborde ouvertement la portée politique de son utilisation, ainsi que les mécanismes de pouvoir et de contrôle qui caractérisent les réalités technologiques contemporaines.
Rompant avec les récits conventionnels, l’artiste originaire du sud du Brésil s’inspire du quotidien de son pays natal, qui fait partie du « Sud global », où l’accès aux biens de consommation reste inégal et loin d’être démocratique. S. Michelin intègre cette perspective géopolitique pour ancrer son art dans la sphère publique et le tissu social, créant un dialogue tout en nuances entre le corps humain et le langage, entre le local et le mondial, entre l’individuel et le collectif. Ainsi, la puissance de son œuvre réside dans son utilisation d’un « art technologique », qui, loin de se contenter d’être destiné à être admiré, embrasse le champ de l’action critique, suscitant des interrogations, relevant des incertitudes, dans une volonté de remettre en question la façon dont les spectateurs perçoivent le monde autour d’eux et interagissent avec lui.
Issue de la deuxième génération d’artistes vidéastes brésiliens, S. Michelin débute sa carrière à la fin des années 1970, mais se fait connaître dans les années 1980 avec des œuvres intégrant la vidéo, la photographie et des interventions dans l’espace public. Elle attire notamment l’attention avec son installation immersive Prato Feito [Plat Préparé, 1984] présentée dans un restaurant, et dans laquelle elle met en avant des enjeux et des thématiques liés au paysage sociopolitique des dernières années de la dictature brésilienne. Elle se lance ensuite dans un projet qui se place sur le temps long, A Noiva Descendo a Escada [La Mariée descendant les marches], sans cesse repris et remodelé entre 1989 et 2011, utilisant divers médias pour explorer le rôle des femmes dans l’histoire de l’art avec une touche de moquerie.
S. Michelin continue à intégrer dans sa pratique les nouvelles technologies au fur et à mesure qu’elles émergent, approfondissant sa réflexion sur les relations entre le corps humain, l’espace et les médias. Dans ADA – Anarquitetura do Afeto [ADA – Anarchitecture de l’affect, 2004], elle renverse l’évidence des systèmes de surveillance contemporains, en filmant l’intérieur de l’espace d’exposition pour le diffuser en direct dans la rue, remplaçant ainsi le « circuit interne » des caméras en un « circuit externe ». L’artiste est mise à l’honneur dans trois éditions du festival Videobrasil dans les années 2000, avec des œuvres pointant du doigt des modèles économiques comme le consumérisme ou les errements du commerce électronique.
Parmi les œuvres qui s’attaquent aux enjeux contemporains d’urgence sociale figure l’installation immersive Qualia (2010), qui fait appel à des technologies de pointe pour dénoncer la violence étatique et la puissance de l’influence des cartels de la drogue à Rio de Janeiro. Plus récemment, l’artiste s’intéresse aux populations autochtones, abordant les violences et les discriminations dont elles font l’objet, avec des vidéos et des installations comme Tiam(A)tu (2023) et Caiçara Vermelha [Rouge Caiçara, 2022].
Titulaire d’un doctorat en arts visuels obtenu à l’Université fédérale de Rio de Janeiro, S. Michelin suit également des études supérieures à l’Université Temple aux États-Unis et à l’Université de Plymouth au Royaume-Uni. Ses œuvres ont été exposées, entre autres, au Musée d’art de Rio (MAR), à la 10e Biennale de La Havane, à la 7e Biennale du Mercosur, à la Tate Modern de Londres ou encore au Centre d’art et des médias de Karlsruhe (ZKM).
Une notice réalisée dans le cadre du programme “Vivre avec deux cerveaux : Artistes femmes dans les nouveaux médias, années 1960 -1990”
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