Tomoko Yoneda, cat. exp., Fundación MAPFRE, Madrid, 2021
→Tomoko Yoneda, Dialogue avec Albert Camus, Transphère #5, cat. exp., Maison de la culture du Japon à Paris (28 mars – 2 juin 2018), Paris, Les Presses du réel / Maison de la culture du Japon à Paris, 2018
→Tomoko Yoneda, Yukitoke no atoni [Après la fonte des neiges], Kyoto, AKAAKA Art Publishing Inc., 2014
→Tomoko Yoneda, We Shall Meet in the Place Where There Is no Darkness (éd. bilingue anglais/japonais), cat. exp., musée de la photographie de Tokyo – TOP Museum (20 juillet – 23 septembre 2013), musée municipal de Himeji (13 septembre – 3 novembre 2014), Tokyo, Heibonsha, 2013
→Tomoko Yoneda, between visible, Tucson, Nazraeli Press, 2004
Tomoko Yoneda, Fondation MAPFRE, Madrid, 11 février – 9 mai 2021
→Dialogue avec Albert Camus, Maison de la culture du Japon à Paris, 28 mars – 2 juin 2018, ShugoArts, Tokyo, 2019
→We Shall Meet in the Place Where There Is no Darkness, musée de la photographie de Tokyo – TOP Museum, 20 juillet – 23 septembre 2013, musée municipal de Himeji, 13 septembre – 3 novembre 2014
Photographe japonaise.
Née en 1965 à Akashi, dans le département de Hyōgo, Tomoko Yoneda étudie aux États-Unis où elle obtient sa licence de photographie en 1989, décernée par la faculté des beaux-arts de l’université de l’Illinois à Chicago. Elle part ensuite au Royaume-Uni où elle poursuit ses études au Royal College of Art, à Londres, décrochant son master en 1991. Depuis, tout en étant installée à Londres, elle passe également de longs séjours au Japon ou en Finlande, réalisant des œuvres photo ou vidéo issues de ses voyages à travers le monde.
S’appuyant sur un travail minutieux de recherche préalable, l’œuvre de T. Yoneda vise à faire resurgir l’histoire moderne et contemporaine des différentes régions qu’elle étudie, et d’enregistrer la mémoire de ceux et celles qui ont vécu à ces époques. Sa photographie ne se limite pas à ce qu’elle présente au premier abord ; elle se caractérise plutôt par une capacité à suggérer les émotions individuelles ou les traces du passé qui ne sont pas visibles, et à travers elles, à évoquer la mémoire collective qu’elles façonnent.
Dans une de ses séries les plus célèbres, Between Visible and Invisible, elle photographie, à travers le verre des lunettes de figures emblématiques des temps modernes, comme Bertolt Brecht, Jean-Paul Sartre ou Léonard Tsuguharu Foujita, des documents qui leur sont liés. Par exemple, Furoito no megane – yungu no tekisuto o miru II [Les Lunettes de Freud : regarder un texte de Jung II, 1998] montre, à travers le regard de Sigmund Freud lui-même, une page de la théorie de la libido développée par Carl Jung, un disciple dans lequel S. Freud espérait voir un successeur avant que les deux hommes ne se séparent. Sachant cela, nous autres spectateur·rices ne pouvons nous empêcher d’imaginer les sentiments de S. Freud à cette lecture. T. Yoneda fait ainsi revivre de façon intime les émotions ou la mémoire de personnalités données, tout en suggérant les tournants historiques qu’ils impliquent et qui transcendent le niveau purement individuel de ces figures.
Sa série Scene, quant à elle, choisit de se concentrer sur des lieux, plutôt que sur des personnes. Elle photographie avec sobriété des endroits qui ont été le théâtre d’événements historiques majeurs, comme le bois Delville, où s’est déroulée la bataille de la Somme, la gare de Harbin en Chine, où fut assassiné l’ancien Premier ministre japonais Hirobumi Itō, ou encore la zone démilitarisée qui sépare le nord et le sud de la péninsule coréenne. À première vue, ces paysages semblent on ne peut plus banals, mais le titre de l’œuvre suggère ce qu’il s’y est passé, provoquant chez le spectateur ou la spectatrice un changement radical du regard. Face à Bīchī – Norumandei jōriku sakusen no kaigan/Sōdo Bīchī, Furansu [La Plage – Une des plages du débarquement en Normandie, Sword Beach, France, 2002], on ne peut que superposer à cette image de vacanciers, profitant avec nonchalance d’un moment de détente sur le sable, la vision des nombreux soldats rampant entre les vagues pour atteindre la terre en 1944. Avec son appareil optique, T. Yoneda fait resurgir la mémoire collective qui n’est pas gravée sur la pellicule.
Tout en parcourant le monde pour réaliser et exposer ses œuvres, T. Yoneda continue d’explorer aussi son pays natal, le Japon. Sa série Sekiun [Cumulus], commencée en 2011, cherche à décrypter, à travers une superposition d’images paisibles, le chemin parcouru par le Japon depuis la défaite de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au grand séisme qui secoua le nord-est du Japon et la catastrophe nucléaire qu’il entraîna – l’un pouvant être considéré comme la cause lointaine de l’autre.
Une autre série, intitulée Shinsai kara jū-nen [Dix ans après le tremblement de terre], est composée de photos prises par T. Yoneda une décennie après le grand séisme de Hanshin-Awaji qui a frappé Kobé et son département natal de Hyōgo en 1995, alors que les traces de la catastrophe sont en train de disparaître, assorties de photos prises trois mois après le séisme et qu’elle n’avait initialement pas l’intention de publier. Plus récemment, à l’occasion du 30e anniversaire de la tragédie, T. Yoneda a réalisé une série de portraits de personnes nées le jour du tremblement de terre. Leurs visages reflètent la force de ceux et celles qui continuent de vivre pleinement malgré les difficultés répétées. C’est précisément parce qu’elle ne cesse de se confronter aux événements traumatisants de l’histoire, qu’il s’agisse de guerres, de catastrophes naturelles ou encore de bouleversements sociaux, que les œuvres de T. Yoneda sont si convaincantes.
La liste des expositions nationales et internationales auxquelles elle participe est longue, notamment la 12e Biennale de Shanghai (2018), la 10e Biennale de Gwangju (2014), la Triennale d’Aichi 2013, la 1re Biennale internationale de Kiev d’art contemporain (2012) ou encore la 52e Biennale de Venise (2007). Ses œuvres sont entrées dans les collections publiques de la plupart des grands musées japonais, mais sont également présentes au musée des Beaux-Arts de Houston (États-Unis), au musée d’Art moderne de San Francisco (États-Unis), au British Council (Londres, Royaume-Uni), à la galerie d’art du Queensland (Brisbane, Australie), à la Maison européenne de la photographie (Paris, France) ou encore au musée de Shanghai (Chine). En 2014, T. Yoneda reçoit le Prix des arts, décerné par le ministre japonais de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie, sur recommandation de l’Agence des affaires culturelles.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Traces du futur : femmes photographes du Japon »
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