Trois sculpteurs soviétiques : A. S. Goloubkina, V. I. Moukhina, S. D. Lebedeva, Paris, Musée Rodin, 1971
Sculptrice russe.
Sa sculpture monumentale, L’Ouvrier et la Kolkhozienne, symbole de l’URSS dynamique et conquérante pour les uns, du réalisme socialiste pour les autres, ou même de la pire période du stalinisme, nous est familière pour avoir dominé le pavillon soviétique à l’Exposition universelle de Paris en 1937, mais aussi pour avoir été, pendant de longues années, l’emblème du cinéma soviétique : l’œuvre ouvrait les génériques des films produits par la Mosfilm. Née dans une famille de marchands aisés de Riga, Vera Ignatevna Moukhina suit l’enseignement de Konstantin Yuon à Moscou, prend des cours de modelage dans l’atelier de la sculptrice Sinitsyna en 1908, puis travaille, de 1911 à 1912, dans celui d’Ilya Machkov, avant de parfaire sa formation auprès du sculpteur Antoine Bourdelle, à la Chaumière à Paris, pendant deux ans. Lorsque la guerre éclate en 1914, elle revient en Russie. De 1915 à 1916, assistante d’Alexandra Exter, elle travaille sur des décors du théâtre Kamerny. À partir de 1919, elle contribue au plan de propagande initié par Lénine, en sculptant le monument dédié à N. I. Novikov, et en dessinant des affiches et des calendriers. Au cours de cette période, elle concourt à des projets de sculptures monumentales. En 1926, elle participe pour la première fois à l’exposition annuelle de sculptures au musée d’Histoire ; elle y exposera ensuite tous les ans.
Ancré dans le réalisme figuratif, son travail répond bien aux exigences de la propagande soviétique : les portraits austères (Koltsov, Zamkov, Taranovitch, Khijniak) exaltent l’énergie et la force qui accompagnent l’idéologie héroïque en vigueur. Elle devient assez rapidement une des artistes officielles du régime. Toutefois, certaines sculptures, comme celle de la ballerine Galina Oulanova, laissent transparaître un sentiment de tristesse. L’Ouvrier et la Kolkhozienne reste son œuvre majeure, par la taille bien sûr, mais également par l’emploi d’acier inoxydable, le prolongement qu’elle offre au palais des Soviets de Boris Iofan, l’élan donné au groupe et l’idéologie qu’il porte. Sa réalisation a nécessité la collaboration de deux femmes, Zinaida Ivanov et Nina Zelinskaya. Des journalistes féministes parisiennes ont alors noté la monumentalité de l’œuvre des trois sculptrices comme une preuve de féminisme.