Bardaouil, Sam, et Fellrath, Till (éds.), Beirut and the Golden Sixties: A Manifesto of Fragility, cat. expo., Gropius Bau, Berlin (25 mars-12 juin 2022) ; Biennale d’Art Contemporain, Lyon (14 septembre-31 décembre 2023) ; Mathaf : Musée d’art moderne, Doha (19 mars-5 août 2023), Milan, Silvana Editoriale, 2022
→Lebanon Modern! Les artistes femmes au Liban : Women Artists in Lebanon, 1945-1975, cat. expo., Beirut Art Fair, Beyrouth (15-18 septembre 2016), Beyrouth, Tamyras Editions, 2016
→Le portrait à travers la peinture libanaise, cat. expo., Hôtel Excelsior, Beyrouth (21 juin-23 juillet 1972), Beyrouth, United Printers, 1972
Icônes, Galerie de l’Hôtel Saint Georges, Beyrouth, avril 1975
→Corps et Âmes, Galerie de l’Hôtel Vendôme, Beyrouth, 1966
→L’Atelier du Caire, Le Caire, 1963
Peintre croate, libanaise et égyptienne.
La vie de Justina Tommaseo Sursock, dite Cici Sursock, incarne à elle seule les bouleversements, tensions et échanges culturels qui jalonnent le XXe siècle. La carrière de son père, diplomate, implique de fréquents déménagements. C. Sursock passe ainsi son enfance à Vienne puis à Belgrade, où elle étudie à l’Académie des beaux-arts vers 1938. Elle poursuit ses études à l’École d’arts appliqués d’Ankara (1938-1943), avant de séjourner à Téhéran.
En 1944, les troubles liés à la Seconde Guerre mondiale poussent sa famille à s’installer au Caire. La jeune femme y obtient un emploi de designeuse au ministère britannique de l’Information. Elle épouse un aristocrate libanais, Habib Sursock, et le couple emménage dans le prestigieux palais royal Al-Gezirah. Mais, en 1964, la résidence et les biens des Sursock sont réquisitionnés dans le cadre du programme de nationalisation instauré par Gamal Abdel Nasser, menant la famille à la ruine financière. Celle-ci quitte l’Égypte pour s’installer au Liban, où C. Sursock se résout à peindre pour subvenir aux besoins de son foyer. Elle se fait rapidement un nom dans les cercles intellectuels et artistiques animés de Beyrouth. Les « dimanches chez Cici », qu’elle organise à son atelier, deviennent un lieu de rendez-vous pour les artistes, parmi lesquel·les Etel Adnan (1925-2021) et Helen Khal (1923-2009), les critiques d’art, les musicien·nes, les poète·sse et les acteur·rices. À cette même époque, elle collabore avec le centre culturel Dar el-Fan w-al-Adab [Maison des arts et de la littérature], où elle enseigne la peinture et contribue à la vie culturelle de la ville.
Le portrait constitue l’un des thèmes centraux de l’œuvre de C. Sursock, qu’elle expose pour la première fois à l’Atelier du Caire en 1963. Ces toiles, avec leurs grands yeux caractéristiques du style de la peintre, sont très appréciées de l’élite beyrouthine, dont elle peint plusieurs personnalités, notamment l’actrice Faten Hamama et la poétesse Nadia Tuéni. Elle réalise également un célèbre tableau de la chanteuse libanaise Faïrouz, Les Trois Visages de Faïrouz (en plusieurs versions, la dernière datant de 1980), ainsi que de nombreux portraits d’artistes locales, dont Juliana Seraphim (1934-2005) en 1965 et Odile Mazloum (née en 1945) en 1967. De 1966 à 1971, C. Sursock est reconnue pour ses nus audacieux, qui mettent en avant le dynamisme de son style. En 1966, son exposition Corps et âmes à la galerie de l’hôtel Vendôme l’établit comme l’une des figures incontournables de la scène artistique libanaise. En 1967, la galerie O. Mazloum présente l’une de ses séries de collages, technique que l’artiste utilise abondamment dans sa production d’icônes.
En effet, C. Sursock explore également, tout au long de sa carrière, le monde des icônes religieuses, qu’elle interprète selon sa propre sensibilité artistique. Elle s’inspire de l’iconographie byzantine, mêlant des influences coptes, melchites, balkaniques et russes à une approche novatrice, presque surréaliste. Dans une œuvre telle que Madone des mystères(1979), les visages et les corps de plusieurs Vierges et Enfants sont superposés. Tragiquement, sa première exposition d’icônes, à l’hôtel Saint-Georges en 1975, coïncide avec le début de la guerre civile libanaise. Pendant tout le conflit, elle vit entre Le Caire, Beyrouth et Split, puis finit par s’implanter dans sa ville natale en 1988. À partir de 1991, elle est témoin des violents conflits ethniques et religieux qui secouent les Balkans et mèneront à la dislocation de la Yougoslavie. L’anti-orthodoxie grandissante en Croatie pousse l’artiste à modifier l’esthétique de ses icônes, qu’elle adapte à un style davantage inspiré de la Renaissance italienne afin d’échapper aux réactions hostiles.
Son œuvre est mise en avant lors de l’exposition Beirut and the Golden Sixties : A Manifesto of Fragility au Gropius Bau, à Berlin (2022), ainsi qu’à la 16e Biennale de Lyon (2022) et au Mathaf, à Doha (2023). Son Portrait d’Odile Mazloum(1967), endommagé lors de l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020, est restauré dans les ateliers du Centre Pompidou, à Paris. Au Liban, ses œuvres sont conservées dans les collections permanentes du musée Sursock et du Beirut Museum of Art.
Une notice réalisée par AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, en partenartiat avec le The Beirut Museum of Art (BeMA).
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