Murría, Alicia, Concha Jerez. Interferencias, Las Palmas, Centro Atlántico de Arte Moderno, 2017
→Castro Flórez, Fernando, Concha Jerez: Tiempo Dia-Rio, Murcia, CENDEAC, 2016
→Jerez, Concha, Maderuelo, Javier, Picazo, Glòria, Worwag, Barbara, In Quotidianitatis Memoriam, Cassel, Hall K18, 1987
Que nos roban la Memoria, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid, juillet 2020 – janvier 2021
→Concha Jerez: Interferencias, Centro Atlántico de Arte Moderno (CAAM), Las Palmas, octobre 2017 – janvier 2018
→Concha Jerez: Interferencias en los medios, Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León (MUSAC), Léon, juillet 2014 – janvier 2015
Artiste conceptuelle espagnole.
Concha Jerez est une pionnière de l’art conceptuel en Espagne. Son travail, politique au plus haut degré, s’attache à penser des sujets comme la répression, la censure ou la mémoire historique, dans un contexte espagnol marqué par une longue dictature et une transition démocratique. Résolument interdisciplinaire, C. Jerez considère les styles et les médiums comme une boîte à outils – tout en regardant ses œuvres comme des « interférences », qui viennent bousculer le sujet et le rendre conscient de réalités données. Pour citer l’artiste, ses œuvres sont empreintes d’un « caractère idéologique qui provient, en toute logique, de la réalité du monde actuel, dominé par l’injustice, la guerre et la destruction. Dans ce monde, à mon sens, l’artiste doit intervenir ».
Née à Las Palmas (îles Canaries), elle étudie le piano au Conservatoire royal supérieur de musique de Madrid avant d’obtenir une licence de sciences politiques à l’université de Madrid en 1963. Bien qu’elle n’ait jamais suivi de véritable formation dans le domaine des arts visuels, elle entame en 1970 une carrière artistique, rejoignant le mouvement alors émergent de l’art conceptuel. La vive agitation sociale de l’époque la voit se rapprocher du mouvement de lutte anti-franquiste ; la conscience politique lucide qu’elle acquiert alors quant à la réalité du régime trouve dans l’art conceptuel un lieu d’expression, de dénonciation et de réflexion. Le conceptualisme, depuis ses débuts au cours des années 1960, déplie en effet un paysage expérimental inédit qui milite, entre autres, pour la dissolution de l’objet d’art et l’affirmation du corps, en nette rupture avec le canon moderne.
Dans un premier temps, C. Jerez se penche sur la problématique des moyens de communication, cherchant à comprendre ce qu’ils montrent, ce qu’ils taisent, et comment ils construisent ces omissions. Tel est le cas, par exemple, de Seguimiento de una noticia [Suivi d’une nouvelle, 1977], installation d’après les couvertures d’un quotidien populaire traitant des tragiques « événements de Vitoria » : l’assassinat par la police de cinq travailleurs pendant une réunion de grévistes. L’artiste y met en évidence la manière dont le journal cesse progressivement de couvrir les faits, les expulse hors de l’espace public et les enfouit dans l’oubli. L’œuvre témoigne également des réflexions de l’artiste sur la censure qui, dans une dictature, ne connaît pas seulement une dimension juridique mais touche aussi la sphère intime. Cette réflexion s’exprime également dans le livre d’artiste Textos autocensurados [Textes autocensurés, 1976], composé de textes rendus illisibles par des taches, des rayures et des recouvrements. Par ces gestes, elle vise à exposer les processus de censure auto-imposés.
À partir des années 1980, C. Jerez élargit sa gamme de médiums en s’ouvrant à l’art sonore, à la performance et au net.art. Il faut évoquer ici l’action Música para la memoria de un encuentro [Musique pour le souvenir d’une rencontre, 1984-1986], où elle interroge le souvenir d’une rencontre avec elle-même, qu’elle « résume » ensuite dans l’installation homonyme. On soulignera en particulier, à partir de 1989, les œuvres en collaboration avec José Iges (né 1951), artiste sonore, multidisciplinaire et compositeur, avec qui elle explore l’environnement sonore et technologique dans des pièces comme El ojo de Polifemo [L’Œil de Polyphème, 1997-1998], une installation vidéo complexe sur les systèmes de surveillance contemporains.
L’œuvre de C. Jerez demeure méconnue. Son exposition au musée national centre d’art Reina Sofía (2020-2021) marque cependant l’aboutissement d’un processus de reconnaissance entamé en Espagne : dans les dernières années, elle a reçu de nombreuses distinctions dont le Prix national d’arts plastiques (2015) et le Prix Velásquez (2017). Son œuvre figure dans les collections d’institutions comme le musée national centre d’art Reina Sofía, le musée de la Solidarité Salvador-Allende (Chili) ou le musée d’art moderne de la Guinée équatoriale.
Une notice réalisée dans le cadre du réseau académique d’AWARE, TEAM : Teaching, E-learning, Agency and Mentoring