Women Artists of the American West: Trailblazers at the Turn of the 20th Century, Jackson Hole History Museum, Jackson, janvier – juillet 2025
Peintre états-unienne.
Tandis que, aux États-Unis, les gouvernements mettent en œuvre des politiques déshumanisantes à l’égard des populations autochtones, promouvant activement leurs déplacements forcés, la division des terres (Dawes Act, 1887) et des familles ainsi que l’assimilation à la société blanche afin d’effacer leurs cultures, Elizabeth Lochrie peint des portraits d’hommes et de femmes issu·es des Premières Nations qui ne saisissent pas seulement leur ethnicité et leur culture, mais aussi leur esprit et leur humanité. L’artiste étudie les langues des Pieds-Noirs et s’immerge dans leur culture à tel point que, en 1932, cette nation l’adopte et lui donne le nom de Netchitaki, qui signifie « Femme seule sur son chemin ».
Née dans le Montana, E. Lochrie fréquente pendant deux ans le Pratt Institute, à New York, dont elle sort diplômée en 1911. Elle se marie en 1915 et se consacre à sa famille les quinze années suivantes. En 1931, une fois ses enfants devenus grands, elle suit quelques cours auprès de fresquistes, qui lui offrent une formation de base pour les œuvres d’art public qu’elle réalisera par la suite. Dans le cadre des programmes gouvernementaux visant à lutter contre les difficultés financières de la Grande Dépression dans les années 1930, E. Lochrie se voit en effet commander par la Works Progress Administration (administration fédérale de travaux publics) plusieurs peintures murales, dont The Fur Traders (1939), toujours visible au bureau de poste de Saint Anthony (Minnesota) de nos jours. L’œuvre représente l’établissement, en 1810, d’un point de commerce de fourrure, ainsi que, sur un autre site proche du bureau de poste, la première rencontre entre des personnes européennes et des personnes autochtones. Cette peinture figure de toute évidence un échange non seulement matériel mais aussi culturel. E. Lochrie créant souvent des quilts pour ses ami·es autochtones, on suppose que le quilt à carreaux placé au sommet de la pile de couvertures représente l’artiste elle-même. Une étude préparatoire, à l’huile sur carton, pour cette peinture murale fait partie de la collection du Smithsonian American Art Museum, à Washington.
Le maître du baroque néerlandais Rembrandt (1606-1669) avait une forte inclination pour la représentation des personnes âgées, car il trouvait la patine de la vie largement inscrite sur leurs visages dignes. C’est aussi le cas de E. Lochrie, qui excelle à portraiturer les aîné·es du peuple pied-noir. La collection du Holter Museum of Art, à Helena (Montana), compte par exemple un portrait plutôt informel du chef Washakie (sans date), représenté sans ses regalia. Notre regard se concentre alors sur ses yeux bienveillants et sages ainsi que sur son large visage, bien modelé et plein de caractère. Mrs. Maggie Morning Gun (sans date) représente une femme âgée de la tribu, dont les bijoux fins, en perles polies, accentuent d’autant plus les reliefs fascinants de ses traits.
L’artiste est une défenseuse exemplaire des individus qu’elle dépeint. Elle devient conférencière sur les cultures autochtones et intervient au moins trente fois par an auprès de groupes divers à travers les États-Unis. Elle fait fréquemment don des honoraires reçus pour ses conférences à la nation pied-noir ou accepte des paiements en nature qui s’avèrent utiles à ces tribus. À une époque où règnent des menaces existentielles profondes à l’encontre des peuples autochtones du Montana, E. Lochrie use de son talent pour servir la cause des personnes pieds-noirs, qui sont ses modèles et ses proches. Ses représentations des peuples autochtones restent parmi les plus nuancées, sensibles et réalistes qui existent à ce jour.
Publication dans le cadre de l’exposition Women Artists of the American West: Trailblazers at the Turn of the 20th Century
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2025