Elaine Leotti, « The American Woman Medalist, A Critical Survey », dans Alan M. Stahl (dir.), The medal in America, New York, American Numismatic Society, 1987, p. 201-222.
→Leila Mechlin, « Janet Scudder – Sculptor », International Studio, n° 39, feb. 1910, p. LXXXI-LXXXVIII.
→Janet Scudder, Modeling my life, New York, Harcout, Brace and Co, 1925
Médailleuse, sculptrice et peintre états-unienne.
Née dans une famille pauvre et marquée par le décès successif de sa mère et de plusieurs frères, Netta Deweze Frazee Scudder (dite Janet Sudder) découvre le dessin au Rose-Hulman Institute of Technology de Terre Haute, dans l’Indiana. En 1888, elle choisit de se prénommer Janet en intégrant la Art Academy of Cincinnati. Sous la direction de Louis Rebisso (1837-1899), elle approfondit ses connaissances en dessin et se forme au modelage.
En 1891, J. Scudder s’installe à Chicago et poursuit sa formation de sculptrice à l’Art Institute sous la direction de John Vanderpoel (1857-1911). Son cursus artistique achevé, elle se met au service du sculpteur Lorado Taft (1860-1936), qui emploie plusieurs praticiennes entrées dans l’histoire sous le nom de « White Rabbits ». Avec son maître et ses collègues féminines, elle œuvre aux chantiers de l’Exposition universelle de Chicago de 1893 et reçoit à titre personnel la commande de deux sculptures pour les pavillons de l’Illinois et de l’Indiana. Récompensée d’une médaille de bronze et profondément marquée par les dernières réalisations de l’école française de sculpture, elle décide de traverser l’Atlantique pour parachever sa formation à Paris.
Entre 1894 et 1898, elle suit les cours de l’académie Colarrossi et de l’académie Vitti. Dans cette dernière, elle rencontre Frederick MacMonnies (1863-1937), sculpteur-médailleur états-unien établi à Paris depuis 1884. Elle le convainc de l’engager comme élève puis assistante et de faire bénéficier son enseignement pratique à d’autres sculptrices nord-américaines, si bien que l’atelier ne tarde pas à être surnommé « l’atelier des Anges ».
En 1896, J. Scudder retourne quelques mois aux États-Unis, où elle obtient sa première commande, un sceau pour la New York Bar Association. Elle voyage en Italie durant l’hiver 1899-1900. À Florence, les œuvres du Verrocchio (1435-1488) et de Donatello (1386-1466) l’impressionnent fortement. Sa manière évolue alors vers un traitement décoratif de l’enfance et elle modèle son premier sujet de fontaine, un putto malicieux entouré de grenouilles. Sa réputation grandit lorsque le Metropolitan Museum of Art de New York achète le premier exemplaire de la Fontaine aux grenouilles (1901-1906) et que l’architecte Stanford White lui en commande deux autres pour les jardins de ses client·e·s. Entre 1908 et 1913, elle multiplie ainsi les « Water Babies ».
À côté de cette production sculpturale, J. Scudder, sensibilisée à l’art de la médaille par F. MacMonnies, capture le monde élégant et cosmopolite de Paris par des portraits en médaillon ou en plaquette. Ce versant de sa production artistique lui permet dans un premier temps d’obtenir un complément de revenus avant de servir sa notoriété et même sa postérité. En 1907, elle est la première sculptrice américaine à voir ses œuvres intégrer les collections du musée du Luxembourg. L’ensemble comporte cinq portraits dont celui de Percy Chubb, Esq. (1903). Récompensée d’une médaille de bronze à l’Exposition universelle de Saint-Louis en 1904, elle reçoit en 1911 une mention honorable pour Diane jeune (1910), exposée au Salon des artistes français. Poursuivant sa carrière des deux côtés de l’Atlantique, elle expose régulièrement à Paris entre 1899 et 1914, tout en conservant un atelier à New York. Ce n’est qu’à partir de 1909 qu’elle se fixe de façon plus pérenne en France.
Au sein de l’effervescente scène artistique parisienne d’avant et d’après-guerre, J. Scudder est assimilée au groupe des « Américaines de Paris », initié par Mary Cassatt (1844-1926). Elle est l’amie de Gertrude Stein et de Man Ray (1890-1976), qui la photographie en 1925. Elle est proche de Jane Poupelet (1874-1932), à qui elle achète des œuvres pour les exposer outre-Atlantique. Elle passe les années de guerre aux États-Unis, confiant justement à cette dernière et à Anna Ladd (1878-1939) son atelier et permettant à l’armée française de transformer sa maison de campagne à Ville-d’Avray en hôpital. De son côté, elle recherche des fonds pour le Lafayette Fund et la Croix-Rouge, mais ne délaisse pas complètement la création. En 1916, l’Indiana Historical Commission lui commande une Médaille commémorative du centenaire de l’Indiana et elle réalise une Victoire (vers 1915) ; également intitulée Femina Victrix, cette figure ailée, éditée en bronze, évoque la contribution des femmes durant la Première Guerre mondiale.
L’engagement de J. Scudder en faveur de la promotion des femmes artistes et plus largement de la lutte pour leurs droits est connu. Dès ses premières expositions, elle refuse que soit accolée la mention de « Mademoiselle » à son nom dans les catalogues et s’offusque que les œuvres des artistes femmes soient séparées de celles des hommes (« Janet Scudder tells why so few women are sculptors », entretien donné au New York Times, 18 février 1912). Elle est membre de la New York State Woman Suffrage Association depuis 1915, de l’Art Committee of the National American Woman Suffrage Association, de l’American National Sculpture Society, de la National Society of Arts et, en 1920, elle est élue membre associée de la National Academy of Design.
Une première exposition rétrospective de son œuvre est organisée en novembre 1913 aux Theodore Starr Galleries de New York. En 1925, elle est élevée au rang de chevalière de la Légion d’honneur et publie son autobiographie, Modeling my Life. Dans les années 1930, elle s’essaye à la peinture de paysage, qu’elle expose en mai 1932 à la galerie Vignon à Paris, puis en 1933 à New York, à la galerie Mac Beth et à la galerie Zak. À la déclaration de guerre de 1939, elle quitte la France et rejoint sa dernière compagne, l’autrice Marion Benedict Cothren, à Rockport aux États-Unis, où elle décède l’année suivante.
La postérité du nom et de l’œuvre de J. Scudder est plus significative outre-Atlantique qu’en France. Aux États-Unis, de nombreux articles lui sont consacrés de son vivant, dont le premier par Leila Mechlin en 1910, et une thèse est soutenue par Mary E. Warlick en 1976. En France, son nom apparaît uniquement au détour d’études évoquant son réseau social ou sa qualité de sculptrice expatriée (cf. les expositions Les Américains dans les écoles d’art, 1868-1918, château de Blérancourt, 1990 ; Jane Poupelet, musée de La Piscine à Roubaix, 2005 ; Sculpture’Elles, musée des Années Trente à Boulogne-Billancourt, 2011).
Publication réalisée en partenariat avec le musée d’Orsay.
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