Cortés Aliaga Gloria, Modernas: Historias de mujeres en el arte chileno (1900-1950), Origo, 2013
Peintre, sculptrice, éducatrice artistique, illustratrice et militante chilienne.
« La meilleure amie des copines des garçons de son époque » : c’est par ces mots que le peintre Camilo Mori (1896-1973), dans En Viaje, rend hommage à Laura Rodig lorsqu’elle décède en 1972. Bien qu’elle ait été renvoyée de l’Escuela de Bellas Artes de Santiago à cause de son mépris des règles académiques, elle y est réintégrée à la demande de plusieurs professeurs, professeures, étudiants et étudiantes, qui la considèrent comme l’un des plus grands talents de sa génération.
En 1914, L. Rodig rencontre la poétesse Gabriela Mistral (1889-1957). C’est le début d’une longue relation, marquée par une affection mutuelle et des échanges professionnels. Elles parcourent le pays en tant qu’enseignantes ; en 1922, L. Rodig accompagne G. Mistral au Mexique, où cette dernière travaille dans le cadre du programme d’éducation de José Vasconcelos et participe au Servicio de Misioneros de Cultura Indígena (Service missionnaire de culture indigène). Inspirée par cette expérience, L. Rodig crée entre 1922 et 1924 la série Tipos Mexicanos [Types mexicains], qu’elle présentera au Chili en 1927. Les œuvres – des esquisses colorées sur carton ou sur papier – montrent des scènes avec des femmes autochtones. Le nombre total de dessins est inconnu, mais la série, réalisée à partir de matériaux de piètre qualité, porte un message politique fort.
En 1924, L. Rodig part en Espagne, où elle expose à la Galería Nancy, à Madrid. L’une de ses sculptures, India Mexicana [Indienne mexicaine, 1924], est acquise par le musée d’Art moderne de Madrid, ce qui fait d’elle la première artiste latino-américaine à être représentée dans ses collections. Par la suite, elle est mentionnée dans de nombreux articles de presse, dont « Las esculturas de Laura Rodig », écrit par Beatriz Galindo pour la revue Blanco y Negro en 1925. L. Rodig participe au Salon d’automne à Paris en 1928 avec son œuvre La Fuente y Sus Mujeres [La fontaine et ses femmes, 1928]. On lui décerne la médaille d’or lors de l’Exposición Iberoamericana [Exposition ibéro-américaine] de 1929 à Séville. L’année suivante, elle figure à la Ire Exposition du groupe latino-américain à la galerie Zak à Paris, organisée par le peintre uruguayen Joaquín Torres García (1874-1949) et dont le catalogue comprend des textes de Hugo Barbagelata.
De retour au Chili, elle adhère à l’Asociación Chilena de Pintores y Escultores (Association chilienne des peintres et sculpteurs). Elle est également adhérente du Secours rouge international et partisane de la cause mapuche dans le cadre des activités de la Federación Araucana (Fédération araucanienne) en 1935. Membre active du Parti communiste, elle s’oppose à la dictature franquiste en Espagne. En tant que féministe militante, elle prend part aux expositions proposées par la Sociedad Artística Femenina (Société artistique féminine) entre 1914 et 1916, ainsi qu’à la grande Exposición Femenina [Exposition féminine] de 1927. En 1939, elle fait partie du comité d’organisation de l’exposition Actividades Femeninas. La Mujer en la Vida Nacional [Activités féminines. La femme dans la vie nationale]. Le Movimiento Pro Emancipación de las Mujeres de Chile (MEMCH, Mouvement pour l’émancipation des femmes chiliennes), qui milite en faveur du droit à l’avortement et promeut l’allaitement pour les ouvrières, et dont L. Rodig est membre, est à l’origine de cette manifestation.
L. Rodig est une éducatrice passionnée : professeure de dessin, elle organise également des expositions d’œuvres réalisées par des enfants, dont Niños Pintores [Enfants peintres], accueillie par le Museo Nacional de Bellas Artes (MNBA) du Chili en 1937, est un exemple. Elle dessine pour des revues destinées aux enfants et des romans illustrés, écrit de la poésie et collabore aux magazines Revista de Arte et La Mujer Nueva. Elle enseigne les arts appliqués à l’Universidad de Chile et, en 1966, crée la section « Éducation » du MNBA, où elle travaillera jusqu’à sa mort. L’œuvre de L. Rodig, qui a acquis une pertinence nouvelle dans le contexte des récents mouvements de femmes au Chili, est redécouverte depuis quelques années. En décembre 2019, le MNBA a présenté la première rétrospective consacrée à cette artiste.