Marie Godfrin-Guidvcelli, « Tempête à l’horizon », dans Zibeline, n°89, octobre 2015.
→Patrice Joly, « Lina Jabbour Space invadeuse », dans 02 à Marseille, n°3, été 2005.
Légers flous, Espace culturel de Mougins, Frac Sud hors les murs, 28 septembre 2018 – 28 janvier 2019. Commissariat : France Paringaux
→Variations, Vidéochroniques, Marseille, 26 mai – 9 septembre 2017. Commissariat : Édouard Monnet.
→Ligne de flottaison, La galerie du 5ème / Marseille expos, Marseille, 28 août – 31 octobre 2015. Commissariat : Martine Robin.
Artiste libano-française.
Née à Beyrouth, Lina Jabbour grandit à Koweït City, à Paris et à Jeddah. La guerre du Liban contraint en effet sa famille à l’exil, mais elle y retourne dès que cela est possible. La télévision joue un rôle important d’émetteur : informations et images d’actualité rythment son enfance, dans l’attente de nouvelles de son pays natal. Le cinéma est tout aussi présent, qu’il vienne d’Égypte ou des États-Unis. L. Jabbour indique également que, dans son environnement, « les objets orientaux étaient très présents : de la marqueterie syrienne, de l’argenterie bédouine, de la broderie palestinienne, du crochet de ma grand-mère, des lainages libanais, des grands livres de calligraphie arabe, et surtout des tapis qui recouvraient quasiment l’entièreté de l’appartement » (entretien du 25 septembre 2023).
Après ses études secondaires, L. Jabbour étudie à l’École nationale supérieure d’art de Bourges, où elle rencontre Tacita Dean, qui la marque durablement. En 1998, après l’obtention de son diplôme et une résidence aux Astérides qui lui permet de côtoyer le milieu de Triangle à la friche La Belle de Mai, elle s’installe à Marseille : la Méditerranée sépare et relie symboliquement son pays natal et son lieu de vie. À partir de 2009, elle enseigne à l’École supérieure d’art de Clermont Métropole.
Avec une économie de moyens, L. Jabbour s’empare de la ligne et décline des variations à partir de quelques éléments. Le trait, le point, parfois la ligne suivent un mouvement horizontal, ici le zigzag et l’angle droit sont travaillés, là c’est le tracé flou ou la ligne lâche, libre, comme dans Partitions (2022), Légers flous (2018), Zigzags (2022), 578 Nœuds (2023) ou Cadences et grésillements (2020-2023). Les plans colorés se succèdent et font surgir les espaces sur la surface. Les couleurs entrent en tension et alimentent la dynamique de l’œuvre et la vibration singulière de chaque proposition. La rigueur de la composition fait écho aux moyens par lesquels l’artiste construit son travail, découpage, remplissage coloré, répétition de gestes. Les déclinaisons créent des combinaisons qui ouvrent sur une sensation d’infini.
Il y a de l’aller-retour dans le travail de L. Jabbour : la figuration est plus ou moins absente, ou plus ou moins présente. Forte à ses débuts – animaux, végétaux ou paysages –, la présence de l’objet s’efface progressivement, le flou gagne, l’absence aussi. Le graphisme et l’élément coloré sont déjà là eux aussi, mais ils vont se rejouer progressivement dans une économie de moyens qui opère sur eux une transformation radicale. Du volume à la surface plane, ils sont synthétisés dans un travail sur l’élémentaire.
Un basculement s’opère lors de l’exposition personnelle Nuages de poussière au VOG, centre d’art contemporain de Fontaine (Isère), en 2013. L. Jabbour travaille alors à la disparition de la représentation à partir d’un film de 1954 sur un essai nucléaire dans l’atoll de Bikini. Quoique palmiers ou voiture pris dans une tempête de sable soient encore présents, leurs contours s’effacent et ils vont bientôt laisser place à l’intensité colorée, par la présence de l’orange, ou à l’apparition d’une trame faite de lignes. L’exposition Variations à Vidéochroniques, à Marseille, en 2017 poursuit cette trajectoire. Les choses s’évanouissent dans un dernier regard. Depuis 2015, L. Jabbour explore aussi le travail du tapis qui l’amène à considérer le motif. Dans Études de tapis, elle opère un travail de réduction à la structure primaire : l’œil va s’égarer dans le « micro », se perdre dans l’infiniment petit ; du motif, nous passons à la structure de la trame. « Une ligne est partie à l’aventure », écrit Henri Michaux. Les lignes de L. Jabbour sont l’expression de la vie qui traverse l’existence dans son caractère inédit.
Une notice réalisée dans le cadre du programme +1.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2024