Raya Lindberg, Fiction territoriale (Art, jeu, scène, territoire), La Lettre volée, Bruxelles, 127 pages, 2023
→Louisa Babari, « Algérie, la solitude des foules » in ANALYSIS, OPINION, CRITICAL MEDIA (AOC) (en ligne), 2019
→Louisa Babari, Aesthetics of the antrum, 80 pages, collages, édition limitée de 500 copies, eds. Cabeza de chorlito / Alberto Garcia Alix & Frédérique Bangerter, Madrid, Espagne, 2014
En attendant Omar Gatlato, com. Natasha Marie Llorens, Triangle-Astérides, Marseille, 2 février – 16 mai 2021, au Magasin CNAC, Grenoble, 7 avril – 15 octobre, 2023
→Infinie liberté, un monde pour une démocratie féministe, la biennale du Frac Centre-Val de Loire 2022, Vierzon, 16 septembre 2022 – 1 janvier 2023
→« Contre-Jour (voix-peau) », Mondes Nouveaux, Château d’If, chapelle Notre Dame des Passions, 24 septembre – 24 octobre 2022
Artiste multimédia (vidéo, son) russe, française et algérienne.
Louisa Babari vit entre Moscou et Alger à partir de 1972, avant d’arriver à Paris en octobre 1975. De 1977 à 1980, elle voyage régulièrement à Moscou et à Tachkent, en Ouzbékistan, où vit une partie de sa famille. Après des études secondaires à Paris, elle est diplômée en 1992 de l’Institut national des langues et civilisations orientales (études russes et cinéma) et, en 1993, de l’Institut d’études politiques de Paris (section internationale). À la fin des années 1990, elle réalise une série de films expérimentaux courts, documentaires et de fiction.
Ainsi, le film Père (2009) est constitué de seulement deux séquences, avec une caméra à la perspective unique. Le spectateur est placé dans la tête du personnage à un moment de passage allégorique entre la vie et la mort. Père donne déjà quelques clés de ce qui deviendra la pratique – désacralisée – de L. Babari de l’histoire en général et de son histoire particulière. La bande sonore est faite d’une soixantaine de pistes : on y entend différentes langues, des extraits de pièces de théâtre, des voix, des musiques populaires joyeuses et des bruits de fond, inaugurant une pratique de la découpe et du sampling qu’on retrouvera plus tard dans les œuvres sonores de l’artiste.
Dans la continuité de son travail filmique, L. Babari se lance dans la pratique du collage. Ainsi, Aesthetics of the Antrum (2014) est une œuvre folioscopique qui pourrait se regarder comme un film muet en noir et blanc qui reviendrait aux sources mêmes du montage dans le cinéma. Habité par les expériences de l’artiste des blocs de l’Est et de la post-indépendance algérienne, ce travail de narration par l’évocation, la dispersion et la dissémination s’inscrit à contre-courant d’un récit unifié de l’État-nation, comme une résistance au rouleau compresseur de l’hégémonie. Lorsque L. Babari choisit parmi ses collections d’images – chinées ou personnelles, découpées notamment dans des revues d’archéologie ou dans des livres de collection, et qu’elle rassemble patiemment – et qu’elle compose les plans de ses collages, il y a aussi quelque chose de définitif : l’archive dans sa préciosité est détruite, elle est désacralisée. C’est ce qu’elle poursuit dans Library (2015), A Secret Song (2021) ou encore Les Vigies (2022).
Dans Journal d’un étudiant algérien à Moscou (2016), L. Babari effectue un travail différent de documentation et de transmission sur des circulations géographiques et visuelles encore trop peu étudiées. Elle se lie ainsi à une généalogie d’expérimentations filmiques des étudiant·e·s des Suds venu·e·s étudier le cinéma en Europe de l’Est.
En parallèle du collage, à partir de 2010, L. Babari commence l’expérimentation de créations sonores avec l’usage du texte et de la voix. Lecture (2017) symbolise cette inclinaison : récitation-apprentissage bouleversante du plaidoyer de l’avocat Jacques Vergès pour Djamila Bouhired, figure du FLN, en 1957, l’artiste fait lire à sa propre fille ce moment de traduction et de transmission intergénérationnelle d’une histoire douloureuse. Voix publiques (2018) est un plaidoyer d’une autre sorte : un ensemble de textes poétiques, théoriques et littéraires d’auteurs et autrices en lutte jaillit en anglais, arabe, bambara, créole, français, kabyle, russe et wolof pour former une cartographie. Affects (2017) est une lecture en une prise par un acteur et une actrice d’un chapitre de Peau noire, masques blancs (1952) de Frantz Fanon, dans laquelle les voix, en prise avec ce texte théorique, imprègnent de leurs affects, de leur relation, une œuvre majeure de la pensée décoloniale.
À partir de 2020, L. Babari revient au dessin mais s’intéresse également à la sculpture en argile, notamment avec Autoréférence (2019), œuvre autobiographique en argile blanc, sans délaisser la vidéo, qu’elle réinvestit dans ses recherches actuelles. Son travail a été montré au Centre Pompidou, au MAC VAL, à KADIST, à la David Roberts Art Foundation, au musée du quai Branly, au Mucem, à la Biennale de Dakar et à la Biennale d’architecture du Frac Centre. Il fait partie des collections du musée d’Art moderne d’Alger, du Centre national des arts plastiques, des Frac Centre Val de Loire et Occitanie, et du musée des Abattoirs (Toulouse).