Monsivais Carlos, María Izquierdo, Mexico, Casa de Bolsa Cremi, 1986
→Ferrer Elizabeth, The true poetry: the art of María Izquierdo, New York, Americas Society, 1997
→Deffebach Nancy, María Izquierdo and Frida Kahlo : challenging visions in modern Mexican art, Austin, University of Texas Press, 2015
María Izquierdo 1902-1955, Mexican Fine Arts Center Museum, Chicago, 1996
Peintre mexicaine.
Née dans un milieu rural très attaché aux traditions mexicaines métisses du XIXe siècle, María Izquierdo est élevée par ses grands-parents maternels qui, lorsqu’elle atteint ses 14 ans, la poussent à épouser un militaire. En 1926, ayant rompu avec son mari et sa famille maternelle, elle se retrouve seule à Mexico avec ses trois enfants. De 1927 à 1928, elle étudie à la prestigieuse académie des beaux-arts de San Carlos. Diego Rivera, rencontré alors, écrira en 1929 que « sa personne est comme sa peinture : classiquement mexicaine » – formule tenant lieu de baptême dans le mouvement artistique postrévolutionnaire qui ne distingue pas recherche artistique et recherche identitaire. L’année 1929 est aussi celle de sa rencontre avec Rufino Tamayo, dont l’influence se révélera déterminante pour son travail, au-delà de celle, indirecte, de Pablo Picasso, de Paul Gauguin ou de De Chirico. Outre leur vie et leur atelier – jusqu’en 1933 –, ils partagent en effet une approche personnelle et intimiste de la peinture, qui les éloigne progressivement du triumvirat formé par D. Rivera, David Alfaro Siqueiros et José Clemente Orozco, les muralistes, qui tolèrent mal que la peinture soit autre chose qu’un outil politique de revendication grandiloquente d’une « mexicanité » épique. R. Tamayo apprend à la jeune femme des techniques adaptées au petit format ; ensemble, ils s’exercent à une application de l’aquarelle par petits coups de pinceau, qui convient particulièrement à la représentation des espaces et ustensiles sombres de l’univers indigène.
Au début des années 1930, une palette terreuse domine les aquarelles et gouaches de la peintre, objets d’une véritable révélation pour Antonin Artaud lors de son séjour au Mexique en 1936. Admirant la dimension « primitive », « sincère » et « inquiétante » de ses œuvres, selon ses propres mots, il est prêt à ériger l’artiste en chamane dépositaire de la clé de l’âme vierge du pays et exalte les qualités hallucinatoires de sa peinture dans son article « Le Mexique et l’esprit primitif : María Izquierdo » (L’Amour de l’art, no 8, 1937). Mais son enthousiasme initial se modère toutefois ensuite lorsqu’il identifie des traces de l’influence de l’art moderne européen dans le travail de la peintre. Malgré tout, il regagne Paris avec plusieurs aquarelles qui font l’objet en 1937 de la première exposition européenne de l’artiste – qui avait déjà été la première femme mexicaine à exposer aux États-Unis en 1930. Bien qu’elle soit souvent rattachée au surréalisme, A. Artaud reste donc en fait son seul lien avec ce mouvement. Alegoría del trabajo (« Allégorie du travail », 1936) et Alegoría de la libertad (« Allégorie de la liberté », 1937) témoignent de l’influence transitoire d’A. Artaud et semblent répondre aux attentes métaphysiques de celui-ci.
Désormais, la peintre reste fidèle à ses sujets : les cirques de village, les chevaux paisibles, les natures mortes, les autoportraits et les portraits, bien que ceux-là ne représentent pas son genre de prédilection car elle préfère peindre de mémoire et loin de tout impératif de réalisme. Certains sont néanmoins remarquables, comme celui d’Henri Chatillon (Retrato del turista, [« Portrait du touriste »], 1940). Ses autoportraits soulignent ses traits indigènes par le port d’ornements traditionnels qu’elle adopte aussi dans sa vie ordinaire, geste de résistance face à l’urbanisation accélérée du pays reléguant l’habillement traditionnel au rang de costume. Quant au thème du cirque, il lui offre l’occasion de représenter une sorte de microcosme qu’elle aime pour son existence purement formelle aux marges de l’histoire. Ses natures mortes sont tributaires de la représentation théâtrale des sujets religieux dans l’art colonial : les objets quotidiens, traités avec révérence et avec une frontalité votive, se mêlent à des images évoquant les figures religieuses (Ofrenda de Viernes de Dolores, [« Offrande de Vendredi saint »], 1944-1945). En 1945, au terme d’un voyage triomphant en Amérique du Sud, où les élites politiques et artistiques la reçoivent en héroïne, elle apprend que la fresque qu’elle devait peindre à l’Hôtel de Ville de Mexico a été décommandée : D. Rivera et D. A. Siqueiros ont de fait argumenté qu’un tel travail excédait les capacités d’une artiste sans expérience dans le muralisme. À partir de là, ses dernières années seront difficiles, occupées par une guerre frontale contre la dictature artistique des muralistes et par une maladie qui réduit progressivement sa productivité. L’ombre des muralistes comme le caractère réducteur des étiquettes attribuées à son œuvre ont contribué à l’oubli relatif de cette figure pourtant majeure du modernisme mexicain.