Rena Hoisington (dir.), Aquatint. From Its Origins to Goya, Washington, DC, National Gallery of Art/Princeton University Press, 2021, p. 129-145
→Marie-Noëlle Grison, « Maria Katharina Prestel (after Giacomo Ligozzi) […] The Triumph of Truth over Jealousy, 1781 », dans Art on Paper : Recent Acquisitions by the Fondation Custodia, Paris, Fondation Custodia, 2018, n°64
→Joseph Kiermeier-Debre et Fritz Franz Vogel (dir.), Kunst kommt von Prestel : Das Künstlerehepaar Johann Gottlieb und Maria Katharina Prestel, Frankfurt-London, Cologne, Böhlau, 2008
→Christiane Wiebel (dir.), Aquatinta, oder « Die Kunst mit dem Pinsel in Kupfer zu stechen ». Das druckgraphische Verfahren von seinen Anfängen bis zu Goya, Cobourg, Kunstsammlungen der Veste Coburg, 2007, p. 255-266
→Claudia Schwaighofer, Das druckgraphische Werk der Maria Catharina Prestel (1747-1794), mémoire de master, 3 vol., Munich, Ludwig-Maximilians-Universität, 2003
Graveuse allemande.
Maria Katharina Prestel atteint une reconnaissance importante de son vivant comme graveuse, en particulier pour ses talents à manier l’aquatinte dans le domaine de l’estampe de reproduction. Elle mène sa carrière dans l’espace germanique dont elle est originaire, ainsi que dans l’industrie de l’estampe alors bourgeonnante dans la Londres du XVIIIe siècle. Avec son époux, elle développe des techniques de gravure innovantes, avec plusieurs plaques, afin de produire des portfolios d’estampes. Ils misent ainsi sur l’intérêt grandissant pour la collection de reproductions d’œuvres d’artistes célèbres. La circulation de ces estampes dissémine des informations sur le contenu d’importantes collections privées et promeut à l’échelle internationale les talents de graveuse de M. K. Prestel.
Née Maria Katharina Höll, elle est mentionnée pour la première fois dans les sources archivistiques en lien avec son futur mari, Johann Gottlieb Prestel (vers 1739-1808). Après avoir été initiée à la peinture de nature morte probablement par l’une des célèbres sœurs Dietzsch, vraisemblablement Barbara Regina (1703-1783), M. K. Prestel apprend auprès de J. G. Prestel le dessin, ainsi que les techniques de gravure. En 1772, le couple a établi son atelier et commencé à acquérir et à vendre de l’art ; parmi leurs clients compte Johann Wolfgang von Goethe. Les Prestel s’attirent le respect pour leurs techniques d’impression en éditant des séries d’estampes d’après des dessins de la Renaissance et de la période baroque conservés dans des collections particulières allemandes : Praunsche Kabinett (1776-1780), Schmidtsche Kabinett (1779-1782) et Kleine Kabinett (1782-1785). J. G. Prestel est nommé professeur à l’académie de Düsseldorf et, à la suite de cela, les Prestelle couple rencontrent d’importants artistes pratiquant la gravure, comme Valentine Green (1739-1813) et John Boydell (1720-1804), ce qui s’avère par la suite bénéfique pour M. K. Prestel à Londres. Durant cette période, cette dernière donne naissance à quatre enfants et l’atelier s’agrandit avec l’arrivée de plusieurs personnes en apprentissage ou employées, comme Regina Katharina Schönecker Quarry (vers 1762-1821).
Les progrès techniques apportés à la gravure au cours du XVIIIe siècle contribuent à la constitution d’un deuxième marché solide pour les reproductions de dessins. M. K. Prestel est particulièrement douée pour répliquer les ombres et les lavis des dessins par des effets de tonalité qu’elle produit à l’aquatinte. Les estampes que le couple réalise pour Praunsche Kabinett, qui documente la collection du marchand nurembergeois du XVIe siècle Paul von Praun, constituent les premières applications du processus d’impression avec des plaques de couleurs multiples en Allemagne. Une reproduction d’après un dessin de l’artiste de la Renaissance Jacopo Ligozzi, Le Triomphe de la vérité sur la jalousie (Vienne, Albertina), peut-être son œuvre la plus célèbre, est un bon exemple de ce processus d’impression complexe, en plusieurs étapes, développé par M. K. Prestel. Elle utilise l’eau-forte et l’aquatinte sur la première plaque pour reproduire la composition et pour créer l’effet de lavis imprimé à l’encre brune. Elle utilise ensuite une deuxième plaque pour inciser des lignes sur lesquelles sont appliquées de l’ocre et de l’huile afin de recevoir de la feuille d’or, qui imite les rehauts d’encre dorée dans la composition du dessin.
Malgré sa renommée, le couple connaît des difficultés financières croissantes et est contraint de s’éloigner pour chercher du travail. En 1782, M. K. Prestel voyage à Francfort afin de toucher des revenus. L’année suivante, sa famille et l’atelier la rejoignent. La situation financière contribue à la séparation du couple et M. K. Prestel emménage alors à Londres, laissant ses quatre jeunes enfants auprès de leur père. À son arrivée à Londres en 1786, elle est déjà une artiste célébrée, et son association précédente avec l’éditeur d’estampes de reproductions J. Boydell, qui bénéficie d’un réseau étendu, mène à une collaboration féconde avec lui et avec d’autres éditeurs au cours de la décennie suivante. M. K. Prestel se spécialise dans les reproductions de peintures de paysages atmosphériques par Thomas Gainsborough (1727-1788) et Philip James de Loutherbourg (1740-1812). En 1789, elle fait venir deux de ses enfants, Ursula Madgalena et Michael Gottlieb, à Londres pour qu’ils l’aident à l’atelier. À sa mort, les enfants retournent auprès de leur père pour l’aider à poursuivre le commerce familial d’estampes.
La présence de la signature de J. G. Prestel sur de nombreuses estampes créées par M. K. Prestel a contribué à la reléguer à l’arrière-plan dans l’histoire de l’estampe européenne. Cependant, à partir des années 2000, des efforts pour remettre en valeur son travail ont permis de faire davantage reconnaître l’aspect novateur de ses talents du point de vue technique.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Rééclairer le siècle des Lumières : Artistes femmes du XVIIIème siècle »
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