Brit, Mehdi, Meats, Sandrine, Interviewer la performance – Regards sur la scène française depuis les années 1960, Paris, Manuella, 2014
→Taniuchi, Tsuneko, Micro-événements, Paris, Tsuneko Taniuchi, 2010
→Legrand, Claire, Domino, Christophe, Stephanov, Nathalie, Expériences du divers : Jimmie Durham, Hanayo, Chéri Samba, Tsuneko Taniuchi, Presse universitaire de Rennes, Rennes, 2000
Micro-événement n° 50/ Mon corps est politique, Musée d’art et d’histoire Paul Éluard, Saint-Denis, décembre 2018
→Micro-events by Taniuchi Tsuneko, Maison Hermès Ginza Le Forum, Tokyo, juillet – septembre 2014
→Micro-événement/ Anniversaire de mariages, Centre Pompidou, Paris, juillet 2010
Artiste pluridisciplinaire franco-japonaise.
Tsuneko Taniuchi étudie au Kobe College (Japon) puis à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Après plusieurs séjours à New York entre 1979 et 1984, elle s’installe à Paris en 1987, où elle vit et travaille toujours.
Performance, vidéo, photographie et installation sont au cœur de sa pratique. En 1995, elle met au point la formule du « micro-événement » qui, par opposition au « macro-événement », renvoie à la vie quotidienne en s’intéressant à ce qui arrive à l’échelle individuelle. Elle l’investit comme moyen de repenser les relations entre le public, l’œuvre d’art et l’artiste. Par l’intermédiaire de ce concept, l’œuvre de T. Taniuchi traite principalement de la question des limites, celles qui existent entre l’art et la réalité, mais aussi celles qui traversent la multiplicité des identités, qu’elles soient sexuelles, sociales ou raciales.
Ses premiers « Micro-événements » mettent en évidence les difficultés de communication au sein d’un même groupe social et interrogent la possibilité de langages communs (Micro-événement no 1 /Ato no matsuri / Trop tard, 1995 ; Micro-événement no 6 /Berlin / Fast Food, 2000). Nombre de ses œuvres s’en prennent aux carcans qu’impose la société à l’individu. Ainsi, dans Micro-événement no 5 /Neuf personnages de femmes (1999), elle explore différents stéréotypes de femmes enfermées dans leurs propres rôles, afin d’envisager leurs possibilités d’émancipation par rapport aux systèmes de pouvoir.
Réalisées dans l’espace public, certaines de ses interventions engagent le·la spectateur·rice fortuit·e dans une confrontation directe. En 1998, avec Micro-événement no 8 /Action publique, elle mène une action non autorisée dans un supermarché parisien en se présentant en mère de famille, avec deux poupées en plastique, pour y faire ses courses. Arrivée à la caisse, elle s’exclame qu’on lui a volé son portefeuille et ses papiers, devant le personnel et les client·e·s déconcerté·e·s et incapables de reconnaître s’il s’agit d’une situation réelle ou de création artistique. Le malaise provoqué par ce type de mise en scène perturbante exige du public qu’il se positionne vis-à-vis de l’altérité.
La disparition de sa maison d’enfance lors du séisme de 1995 qui a dévasté la région de Kobe inspire à T. Taniuchi un projet qui mêle autobiographie et questionnement d’ordre social. My Sentimental Journey (1997) est une installation constituée d’un diaporama photographique abrité sous une tente, qui fait écho à la perte des liens avec son passé, mais révèle aussi l’ambiguïté des rapports qu’elle entretient avec son pays d’origine et la France.
Marquée par la lecture de Was Geschah, nachdem Nora ihren Mann verlassen hatte oder Stützen der Gesellschaften [Ce qui arriva après que Nora eut quitté son mari ou les soutiens des sociétés, 1977] de la féministe et prix Nobel de littérature 2004 Elfriede Jelinek (une réécriture de Henrik Ibsen par cette autrice), T. Taniuchi invente alors une suite à ce texte : Nora en SDF comme figure émancipée (Plastic Bag Lady, 1995 ; Les Collections de Nora, 1995 ; Micro-événement no 12 /Le droit au logement, 2001).
Anticipant le projet politique de « mariage pour tous », les Micro-événements sur le thème de la noce sont sans doute parmi les réalisations les plus importantes et les plus subversives de T. Taniuchi, du moins jusqu’à la loi autorisant les unions de personnes de même sexe votée en France en 2013. En effet, depuis 2002, elle a célébré son mariage avec plus de 290 conjoints et conjointes, de toutes orientations sexuelles, et dans des lieux aussi divers et inattendus que des musées, des mairies, une caravane, en France comme à l’étranger. Cette œuvre a pris la forme d’une installation exposée en 2012 au MAC VAL – musée d’Art contemporain du Val-de-Marne (Vitry-sur-Seine) et en 2014 au Forum de la maison Hermès de Ginza, à Tokyo.
Depuis une dizaine d’années, la notion de « féminisme intersectionnel », introduite par Kimberlé Williams Crenshaw, et celle de « démocratie multiraciale », liée à la pensée postcoloniale d’Achille Mbembe, ont pris une place de plus en plus importante dans le travail de T. Taniuchi. Elle les explore désormais dans des performances réalisées avec d’autres participant·e·s, afin de transmettre sa vision de la performance à de jeunes artistes et de tenter ainsi d’élargir le concept du corps à ses dimensions sociales, politiques et économiques (par exemple dans Micro-événement no 50 /Mon corps est politique, 2018).
Une notice réalisée dans le cadre du réseau académique d’AWARE, TEAM : Teaching, E-learning, Agency and Mentoring