La présente publication fait suite à une journée d’étude qui s’est déroulée le 14 mai 2018 aux Beaux-Arts de Paris. Intitulée « La performance : un espace de visibilité pour les femmes artistes ? », cette journée s’inscrivait dans le cadre du programme de recherche interdisciplinaire « Visibilité et invisibilité des savoirs des femmes : les créations, les savoirs et leur circulation, XVIe-XXIe siècles ». Porté par Caroline Trotot au sein du laboratoire Littératures, Savoirs et Arts (LISAA) de l’université Paris-Est — Marne-la-Vallée en 2017-2018, ce programme a bénéficié, pour cette journée d’étude et pour cette publication, du soutien et de la collaboration active de l’association AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions. Un des objectifs était d’étudier comment l’œuvre créatrice ou encore l’usage du corps pouvaient donner lieu à des stratégies de détournement permettant d’interroger les mécanismes de visibilité et d’invisibilité qui régissent les savoirs des femmes. La performance s’est en conséquence imposée comme un terrain imbriquant conjointement ces aspects du corps et de l’œuvre, d’autant qu’elle a, dans son histoire, été en grande partie investie par les femmes.
Ce texte choisit de se pencher sur les actions performatives d’artistes qui ont trait aux questions liées à l’hygiène, au nettoyage et à la propreté. Abordant les travaux d’artistes hommes (Ben Vautier, Hi-Red Center, Joseph Beuys, Robert Filliou) comme de femmes artistes (ORLAN, Chris Rush et Sandra Orgel, Martha Rosler, Letícia Parente), il entend expliciter ce qui différencie, dans le regard social, le nettoyage vu du côté féminin et le nettoyage vu du côté masculin : pour ce faire, il se fonde sur les débats féministes portant sur le travail domestique, contemporains des productions des artistes cité·e·s. Mais c’est avant tout l’œuvre et la pensée théorique de l’artiste américaine Mierle Laderman Ukeles qui sont largement commentées dans cet essai, notamment à partir de son Manifesto! Maintenance Art (1969) et de certaines de ses performances des années 1970 traitant des notions de légitimité et de domination, dans le cadre institutionnel artistique.
Camille Paulhan est historienne de l’art, critique d’art et enseignante. Elle a soutenu en 2014 une thèse de doctorat portant sur le périssable dans l’art des années 1960-1970 à l’université Paris 1 — Panthéon-Sorbonne. Elle enseigne à l’École supérieure d’art Pays Basque. Parmi ses dernières publications figurent notamment « “La société se détériore” : Gustav Metzger et l’art autodestructif », dans Barde Cyril, Chassaing Sylvia et Pernoud Hermeline (dir.), Fin-de-siècle, fin de l’art ? Destins de l’art dans les discours de la fin des XIXe et XXe siècles, actes de colloque (Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2018), et « Daniel Spoerri et la Eat Art Galerie », dans Csergo Julia et Desbuissons Frédérique (dir.), Le Cuisinier et l’art (Paris, Institut national d’histoire de l’art, Menu fretin, 2018).