Ulrike Rosenbach, Art is a criminal action No. 4, 1969-70, photomontage noir et blanc et feutre sur papier baryté, 23,7 x 31 cm, © The Sammlung Verbund collection, © ADAGP, Paris
Depuis 2010, la collection Verbund voyage à la rencontre, sans cesse renouvelée, du public des institutions européennes qui l’accueillent. Chacune opère sa propre sélection parmi les 600 œuvres de 48 femmes artistes rassemblées par Gabriele Schor, directrice de la collection du principal fournisseur autrichien d’électricité depuis sa fondation en 20041.
C’est au tour du Zentrum für Kunst und Medien (ZKM) de Karlsruhe de présenter 400 œuvres de 47 artistes de son choix, affirmant ainsi l’orientation curatoriale empruntée depuis 2014, avec notamment l’exposition virtuelle Frauen Video Arbeiten (2015).
Annegret Soltau, Selbst [Soi], 1975, photographies noir et blanc sur papier baryté, 38 x 28 cm chacune, © The Sammlung Verbund collection, © ADAGP, Paris
Lorraine O’Grady, Untitled (Mlle Bourgeoise Noire shouts out her poem), 1980-1983, épreuve gélatino-argentique, 24,6 x 19 cm, © The Sammlung Verbund collection, © ADAGP, Paris
Francesca Woodman, Untitled, 1977-1978, épreuve gélatino-argentique sur papier baryté, 25,1 x 20,2 cm, © The Sammlung Verbund collection
Feministische Avantgarde der 1970er-Jahre aus der Sammlung Verbund, Wien [Les avant-gardes féministes des années 1970] soutient les ambitions de Gabriele Schor qui, « d’une part, cherche à établir une conjonction entre féminisme et avant-gardes dans la conscience collective et, d’autre part, […] à attirer l’attention sur des positions esthétiques jusqu’alors inconnues et à les replacer dans le contexte international2 », au moyen de cinq sections égrainant les thèmes communément abordés par les artistes femmes durant cette décennie emblématique3 de part et d’autre de l’Atlantique. La première, intitulée « Mère, femme au foyer et épouse », relativise les rôles qui les définissent socialement et montre d’emblée des actions à dimension performative, réalisées pour la caméra seule (ou devant une audience très restreinte), de Martha Rosler, Letícia Parente, Annegret Soltau et Ulrike Rosenbach. « Enfermée-évasion » met ensuite en perspective, essentiellement au moyen de la photographie, le sentiment d’enfermement ressenti par ces artistes et leurs tentatives de libération ; on retrouve, dans la section « Jeu de rôle », les premières séries photographiques de Cindy Sherman (Bus Riders et Murder Mystery, 1976) ou encore A Portfolio of Models (1974) de Martha Wilson, qui ancre la réinvention de soi dans une nécessité vitale4. Puis, « Le beau corps » est l’occasion d’interroger la place des femmes au regard des canons artistiques élaborés par les hommes, en présentant les subtiles réappropriations de l’iconographie classique de Francesca Woodman, ou encore le strip-tease d’Hannah Wilke derrière l’iconique Grand Verre – sans oublier de revendiquer une place pour les femmes artistes dans ce panthéon, avec Some Living American Women Artists/Last Supper (1972) de Mary Beth Edelson. Enfin, la dernière thématique, « Sexualité féminine », souligne les difficultés des femmes artistes à envisager leur sexualité propre, indépendamment des attentes masculines, dans des tentatives répétées d’appropriation des organes sexuels des deux sexes – on y retrouve notamment plusieurs œuvres provocantes des jeunes ORLAN et VALIE EXPORT.
Birgit Jurgenssen, Nest, 1979, photographie noir et blanc, 29,1 x 40,1 cm, © The Sammlung Verbund collection, © ADAGP, Paris
L’exposition parvient, au-delà des sections qui assurent sa clarté, à dégager une esthétique commune où la violence symbolique et physique (avec Gina Pane) exercée sur l’identité et le corps féminins est incarnée par des artistes qui n’hésitent pas à se saisir des nouveaux médiums et à « différencer le canon5 », en ancrant pleinement leur art dans leur époque.
Feministische Avantgarde der 1970er-Jahre aus der Sammlung Verbund, Wien, du 18 novembre 2017 au 8 avril 2018, au Zentrum für Kunst und Medien (Karlsruhe, Allemagne).