Ishaghpour Youssef, Chohreh Feyzdjou, l’épicerie de l’Apocalypse, Paris, Circé, 2011
Product of Chohreh Feyzdjou, galerie nationale du Jeu de paume, Paris, 31 mars – 29 mai 1994
→Chohreh Feyzdjou : tout art est en exil, CAPC musée d’Art contemporain, Bordeaux, 8 février – 2 septembre 2007
Artiste iranienne.
Chohreh Feyzdjou grandit en Iran dans une famille juive d’intellectuels et s’installe à Paris en 1975, où elle complète, entre autres, sa formation artistique à l’École nationale supérieure des beaux-arts, s’initie à la Kabbale et au soufisme. Sa disparition en 1996 interrompt une œuvre d’une singularité incomparable, qui commençait tout juste à être exposée dans les plus grands musées d’Europe. C. Feyzdjou se fait connaître au début des années 1990 avec un vaste corpus d’objets sortis de son atelier et de son passé, dont ses dessins et peintures, tous recouverts d’une couche plus ou moins diffuse de pigment noir. Ceux-ci sont soigneusement inventoriés, rangés dans des boîtes, des bocaux, des cageots et des malles, emballés dans du plastique, mis en rouleaux, stockés sur des étagères ou des tables, dans des tiroirs ou sur des échafaudages, eux-mêmes noircis. Plus rien n’est véritablement identifiable si ce n’est que chaque élément porte une référence d’archive, Product of Chohreh Feyzdjou. L’installation peut renvoyer à une vision évocatrice de catastrophe, postapocalyptique, mais rappelle aussi, dans sa présentation, les étals de marchandises tels qu’on peut en trouver dans les épiceries et les bazars orientaux.
Si son travail est traversé par les thèmes manifestes du déplacement, de la perte et de la mémoire caractéristiques de la migration, l’emprunt à la nomenclature et aux codes du commerce (étalage, emballage, référencement) met en perspective et interroge les ambivalences et paradoxes qui relient l’art au marché. Dans un monde où tout devient « produit », y compris l’art, la plasticienne dissimule, protège son œuvre et son histoire sous un voile impénétrable, mais aussi ironise, rend visible le destin commun, irrémédiable, de toute production quelle qu’elle soit. Sa critique du fonctionnement social et culturel peut être des plus radicales. En 1994, au Kröller-Müller Museum d’Otterlo (Pays-Bas), sous le titre Je ne suis pas d’accord avec cette exposition, elle inhume dans les jardins 39 de ses peintures passées au noir. La même année, elle expose à la galerie nationale du Jeu de paume. En 1995, quelques mois avant sa disparition, elle ouvre une boutique à son nom, Boutique Products of Chohreh Feyzdjou à Paris, afin d’y rassembler et « liquider » l’ensemble de sa production. La totalité du fond C. Feyzdjou a été acquis en 2002 par le Centre national des arts plastiques pour le compte de l’État. Le Centre d’arts plastiques contemporains de Bordeaux en est dépositaire depuis 2003, et a répertorié plus de 300 dessins, datés de 1971 à 1996, ainsi qu’un ensemble inédit de sculptures en tissu. Cette découverte a donné lieu à une exposition rétrospective de la collection présentée au CAPC en 2007.