Les Pionnières de La Borne, musée Vassil-Ivanoff, Henrichemont, 8 juillet – 3 septembre 2017
Sculptrice française.
Claudine Monchaussé naît en Champagne, décide à 16 ans de poursuivre ses études à Paris, et traverse les années 1950 en tant que dactylographe pour les magasins du Printemps, tout en fréquentant les galeries d’art de la rive gauche. C’est place de la Madeleine qu’elle découvre la céramique artistique, lors d’une présentation de grès de La Borne. Elle y rencontre le céramiste Pierre Mestre en 1957 et tous deux s’installent dans le fameux hameau deux ans plus tard. Ce haut lieu de la céramique est identifié depuis le XIIe siècle pour ses terres cuites. Sans en déplier ici l’histoire entière, il faut évoquer la famille Talbot, une dynastie de potiers qui a contribué durant le XIXe siècle à sa renommée, et tout particulièrement Marie Talbot, grande figure d’inventivité et de courage pour l’artiste. Marie Talbot fait preuve d’une affirmation de soi bouleversante, puisque, dans un monde d’art populaire, souvent masculin et anonyme, ses pièces sont signées « Fait par moi, Marie ».
C. Monchaussé réalise ses premières figures d’argile dès 1960. Aujourd’hui comme hier, chaque matin, elle va dans son atelier. Là, elle s’entoure d’images de vierges et de taureaux, encyclopédie éclatée célébrant la matrice et sa fécondation. Les principes primordiaux de la fertilité s’y imbriquent, comme dans ses sculptures qui cherchent, chaque fois, un possible équilibre entre ces deux forces, leur fusion harmonieuse. « J’ai toujours eu conscience d’une déesse mère » nous confie l’artiste, qui insiste sur cette vision qui ne cesse de l’habiter. Elle est l’ouvrière d’une mythologie, dont elle produirait une succession d’idoles. Elle est la fondatrice de sa propre civilisation, qu’elle façonne inlassablement tout en en conservant le mystère. Dire sans montrer. En ce qui concerne la technique, elle construit en 1974 son premier four à bois, puis en 1989 un four type « Sèvres », beaucoup plus pratique. Tous deux possèdent un alandier, cette partie où l’on fourre le bois. À côté, dans la zone la plus chaude du four, au contact direct des flammes, se trouve l’enfer. En général, c’est un espace qu’on laisse aux apprenti·e·s car les puissants chocs thermiques peuvent altérer les décors ou tout simplement faire éclater les pièces. C’est dans l’enfer que l’artiste place ses sculptures, et c’est de l’enfer qu’elle tient à les faire revenir.
C. Monchaussé évoque l’étymologie du mot « religion » en rappelant qu’il s’agit de relier. Façonnées à l’échelle de la main, ses sculptures sont un relais qui se transmet d’une paume à l’autre. Elle ne dédie ses céramiques à personne. Une forme d’adresse existe pourtant. Ses objets constituent aujourd’hui une communauté, une population, une famille. Il s’agit d’ensemencer le monde. L’artiste a fait le choix d’une diffusion élémentaire, c’est-à-dire la vente directe aux amatrices et amateurs, dans son propre jardin, une fois par an, lors d’un défournement d’une quarantaine de pièces. Son œuvre se propage ainsi au fil des décennies, par ce format de distribution simple, se tenant à l’écart. C’est dans l’intimité des acquéreurs et acquéreuses devenu·e·s des ami·e·s au cours des années que ses statures trouvent leur véritable foyer, sur la tablette d’une cheminée ou le chevet d’un lit.