Steve Bourget, Black Indians de La Nouvelle-Orléans, cat. exp., musée du quai Branly – Jacques Chirac, Paris (octobre 2022-janvier 2023), Paris, musée du quai Branly – Jacques Chirac, Arles, Actes Sud, 2022.
→Tina Freeman et Morgan Molthrop, Artist Spaces, Lafayette, University of Louisiana Press, 2014.
Black Indians de La Nouvelle-Orléans, Paris, musée du quai Branly – Jacques Chirac, octobre 2022-janvier 2023.
→Made in Louisiana, La Nouvelle-Orléans, galerie Stella Jones, mars-mai 2018.
→Tina Freeman : Artist Spaces, La Nouvelle-Orléans, Ogden Museum of Southern Art, mars-septembre 2015.
Artiste textile et de techniques mixtes louisianaise.
Elenora « Rukiya » Brown descend d’une lignée de femmes au foyer et de travailleuses domestiques. Elle se forme au nettoyage à sec et, par ailleurs, s’exerce sur une machine à coudre laissée par sa sœur aînée au domicile familial, à Chicago. Elle apprend le perlage et la couture auprès de sa grand-mère, chez qui elle est régulièrement envoyée en vacances, en Louisiane. Elle est également membre d’un club de jeunes filles qui fabriquent à la main des poupées, ainsi que des vêtements et des chaussures pour celles-ci. En 1969, un événement traumatique la conduit à retourner dans la ville d’origine de sa famille, à La Nouvelle-Orléans. À la suite de cela, elle abandonne la fabrication de poupées et quitte les États-Unis pour le Royaume-Uni, où elle vit pendant près d’une décennie. De retour à La Nouvelle-Orléans en 1995, E. Brown travaille dans l’industrie de la mode. Confrontée à la discrimination, elle reprend la fabrication de poupées comme un moyen d’évacuer son stress. Elle présente son travail pour la première fois à la fin des années 1990, au Congo Square African Marketplace du New Orleans Jazz and Heritage Festival et au Essence Music Festival, à La Nouvelle-Orléans. À cette époque, ses poupées sont fabriquées en matériaux souples et n’ont pas de visage.
Après avoir survécu à l’ouragan Katrina en 2005, E. Brown est contrainte de retourner à Chicago. Bouleversée par les pertes humaines et matérielles, elle décide de privilégier l’art plutôt qu’un traitement psychiatrique médicamenteux. Sa technique de fabrication de poupées évolue : elle commence à utiliser de l’argile, moulant des visages pour ses créations. Winds of Change (2005) est sa première série d’œuvres, dans laquelle l’artiste raconte différents moments de ce qu’elle perçoit comme étant une nouvelle Grande migration africaine-américaine infligée à La Nouvelle-Orléans depuis l’ouragan. Cette série est suivie par d’autres, intitulées Uprooted : Look up, Hold on (2006) et Unclaimed Memories (2007). À l’occasion de la présentation de ses œuvres à la galerie Stella Jones, à La Nouvelle-Orléans, en 2006, E. Brown rencontre une autre exposante, Elizabeth Catlett (1915-2012), qui lui propose d’échanger une pièce de sa série Winds of Change contre l’une de ses propres œuvres.
En 2012, E. Brown, de nouveau installée à La Nouvelle-Orléans, se retrouve à aider le Big Chief d’une tribu de Mardi Gras Indians de son quartier à réaliser des fleurs en perles pour son costume de défilé. Cette collaboration la conduit à rejoindre cette tradition néo-orléanaise [dont les protagonistes sont aussi connus sous le nom de « Black Indians »]. Elle entreprend cette démarche en hommage aux femmes qui ont marqué sa vie – notamment sa sœur, assassinée en pleine rue à l’âge de seize ans – et à l’héritage de son arrière-grand-mère choctaw. La même année, elle crée son premier costume de défilé, Metamorphosis (2012). En 2013, E. Brown choisit d’intégrer la tribu Creole Wide West, dont elle devient la Reine.
L’artiste utilise des perles de 12 et 15 millimètres de diamètre qu’elle coud à la main sur ses costumes pour créer des représentations liées notamment aux traditions et aux répertoires africains-américains et autochtones – dont des figures d’animaux sacrés, tels que chouettes, corbeaux, aigles et bisons. Elle y incorpore également des rubans décoratifs, des broches et des plumes de marabout. La maîtrise du travail textile dont elle fait preuve lui permet de donner forme à l’étoffe, de l’arranger et de lui donner des courbes distinctives pour produire des figures tridimensionnelles qui semblent jaillir du vêtement. Elle applique ainsi des techniques perfectionnées à l’occasion de différents ateliers qu’elle a suivis ou qu’elle a animés au Nigeria, au Cameroun et en Haïti. Malgré la culture à forte dominante masculine des Mardi Gras Indians, ses créations, nourries de résistance et de résilience, mettent au centre les personnages féminins : Metamorphosis (2012), The White Buffalo Calf Woman (2017) et Black Madonna (2018). Ses costumes When Black People Could Fly (2014), I Am the First Gold the First Diamond, I Am the Living Earth (2015) et The White Buffalo Calf Woman (2017) font partie respectivement des collections du New Orleans Museum of Art (La Nouvelle-Orléans), des Ohio State University Libraries (Columbus) et du musée du quai Branly – Jacques Chirac (Paris)
Une notice réalisée dans le cadre du programme « The Origin of Others. Réécrire l’histoire de l’art des Amériques, du XIXe siècle à nos jours » en partenariat avec le Clark Art Institute.
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