Rainer, Yvonne, Une femme qui… Écrits, entretiens, essais critiques, Dijon, Les Presses du réel, 2008.
→Rainer, Yvonne, Feelings Are Facts: A Life, Cambridge, MIT Press, 2006.
→Rainer, Yvonne, A Woman Who… Essays, Interviews, Scripts, Baltimore, John Hopkins University Press, 1999.
Danseuse, chorégraphe et cinéaste états-unienne.
Yvonne Rainer est une figure essentielle du cinéma expérimental américain. C’est de manière progressive mais inéluctable que le médium cinématographique s’est imposé à elle comme un nouveau champ d’exploration. Sa maturation artistique est considérablement marquée par les films de Maya Deren (1917-1961), Hollis Frampton (1936-1984) et Andy Warhol (1928-1987), qu’elle découvre aux prémices de sa carrière de danseuse. Elle commence à mêler film et danse dans ses chorégraphies à partir de 1967, considérant ses courts-métrages comme une extension de son travail sur le corps. Néanmoins, c’est son intérêt croissant pour la narration, le traitement des émotions et de l’intime qui l’engage à tourner son premier long métrage, Lives of Performers (1972). Ce film, mettant en parallèle un triangle amoureux mélodramatique et le quotidien de danseurs, est pensé comme une chorégraphie.
Par la suite, la carrière cinématographique d’Y. Rainer se caractérise par le développement d’une conscience politique et théorique acérée, à l’écoute des révoltes et des combats contemporains. Ainsi, Film About A Woman Who… (1974) et Kristina Talking Pictures (1976), évoquant les jeux de pouvoir dans les relations amoureuses hétérosexuelles, reflètent l’affirmation de sa sensibilité féministe ; The Man Who Envied Women (1985) s’inspire des théories féministes du cinéma tout en dénonçant la crise du logement à New York et l’impérialisme américain en Amérique centrale ; Privilege (1990) analyse les implications de la ménopause pour les femmes et dénonce les fictions liées à la race et au sexe ; enfin, MURDER and murder (1996) interroge la construction de l’identité lesbienne.
Récurrent, le recours d’Y. Rainer à l’élément autobiographique semble illustrer le slogan féministe « le personnel est politique », en mettant en regard l’expérience subjective et les événements historiques. Jamais didactique, son cinéma questionne et malmène les discours politiques ou théoriques au moyen de la juxtaposition ironique et parodique d’une multiplicité de voix et d’idées. Ce faisant, elle s’empare de la narration tout en transgressant ses règles, créant un collage polyphonique et non linéaire qui donne la primauté au texte sur l’image et laisse aux spectateurs une entière liberté d’interprétation. Retournée à la chorégraphie dans les années 2000, Y. Rainer est parvenue à imposer son œuvre cinématographique complexe et plurivoque comme un jalon fondamental dans l’histoire du cinéma expérimental.