Portrait de Gabrielle Manglou © Alix Frégier
Des questions en forme de charade ; des rébus en forme de réponse ; des nœuds en forme de plis ; des œuvres en formules magiques. Gabrielle Manglou (née en 1971 à La Réunion) nourrit une pratique de l’installation et de l’énigme, de la collecte d’histoires et de la cueillette de trésors.
Gabrielle Manglou, La Fonte Des Glaces / Expo solo H.O.C / 2018 / Extrait – Série / Reproduction d’une photographie en noir et blanc (Fond Paul et Laurence Vergès – Photo Françoise Vergès) et glace à l’eau Adelis / Production Archives départementales de La Réunion & Cité des Arts de La Réunion / Résidence “Patrimoine et création” Département de La Réunion / ADR / ©ADR (Archives départementales de La Réunion)
Dans ses compositions de toutes les dimensions se disent des secrets à moitié et se réécrivent des histoires en entier. Il suffit de suivre les cailloux, les collages et les montages qu’elle laisse sur son chemin pour retrouver le nord, ou, plutôt, pour comprendre qu’il y en a plein de possibles, partout autour de nous. Dans ses installations de toutes les formes et de toutes les couleurs, Gabrielle Manglou retrace des chemins à partir de ce qu’elle a croisé sur le sien. Ils sont pavés d’indices qui disent autant d’où elle vient que là où elle espère aller, nous emmener – et peut-être aussi bien nous perdre.
Gabrielle Manglou, AMARRER À L’OMBRE / Expo solo / 2020 / Vue d’expo / Dimension variable – Bois, tissu, os, bambou, cuir, papier, or, acrylique, néon… / Production La Criée Centre d’art contemporain & Le Musée de la Marine / Résidence Territoires EXTRA / Musée de la Marine Port-Louis / © MarcDomage
Gabrielle Manglou, AMARRER À L’OMBRE / Expo solo 2020 / Vue d’expo / Dimension variable – Bois, tissu, os, bambou, cuir, papier, or, acrylique, néon / Production La Criée Centre d’art contemporain & Le Musée de la Marine / Résidence Territoires EXTRA / Musée de la Marine Port-Louis / ©MarcDomage
Gabrielle Manglou, AMARRER À L’OMBRE / Expo solo / 2020 / Détail / Coiffes-Perruques / Dimension variable – Chanvre, tissu, corde, bambou, perles, coquilles d’huître / Production La Criée Centre d’art contemporain & Le Musée de la Marine / Résidence Territoires EXTRA / Musée de la Marine Port-Louis / ©GabrielleManglou
En suivant le néon rose et accidenté d’Amarrer à l’ombre (2020), l’œil serpente au-dessus de la montagne sous la construction de bois venue évoquer la cale des bateaux négriers. La structure de pin clair qui supporte le tout est une maquette et un jeu de piste, le long duquel les montagnes de truffes chocolatées viendront rappeler à qui choisit le niveau confirmé que c’est d’outre-Atlantique qu’elles ont été rapportées. Au-dessus d’elles flottent des coiffes de chanvre détissé, faites de la matière même qui sert d’ordinaire à rendre étanches les navires. Détissée, la fibre se tient ici dans les airs. Le voyage est suspendu. Ainsi remis en question, c’est la polysémie qu’il cache d’habitude qui apparaît alors. Le plaisir des uns est la conquête des autres, l’exotique d’un ici, le local d’un là-bas, toute victoire une défaite, toute appropriation une perte.
Gabrielle Manglou, BAGATELLES / Expo collective / Astèr Atèrla / 2023-2024 / Détail / Dimension variable – Cuir, papier, tissu, carton… / Commissariat Julie Crenn / Production FRAC Réunion + CCCOD Tours + La Friche de La Belle de Mai / La Friche de La Belle de Mai Marseille / ©jcLett
Gabrielle Manglou, BAGATELLES / Expo collective / Astèr Atèrla / 2023-2024 / Vue d’expo / Dimension variable – Bois, tissu, sable, bambou, cuir, papier, acrylique, carton… Commissariat Julie Crenn / Production FRAC Réunion + CCCOD Tours / CCCOD Tours / ©margotmontigny
Gabrielle Manglou, BAGATELLES / Expo collective / Astèr Atèrla / 2023-2024 / Vue d’expo / Dimension variable – Bois, tissu, sable, bambou, cuir, papier, acrylique, carton… Commissariat Julie Crenn / Production FRAC Réunion + CCCOD Tours / CCCOD Tours / ©margotmontigny
Au milieu du chaos, les installations de Gabrielle Manglou sont des cartes d’orientation et des dictionnaires, où les mots deviennent des signes, des objets et, de nouveau, encore des mots, dans d’autres langues, dans toutes les langues. Avec les Bagatelles qu’elle assemble depuis 2023, elle compose des phrases à partir d’un peu de neuf, un peu de vieux, un peu de bleu. Vive les alliances que l’artiste s’amuse à créer ! Par les collages, les sculptures, les réutilisations d’œuvres déjà faites par elle et qui n’avaient pas encore tout dit, les faux livres et les vrais contes qu’elle invite à sa table, Gabrielle Manglou poursuit l’histoire de La Réunion, qu’elle retrace depuis des années et dont les Hypothèses de l’objet en creux (2018) formulaient les premières pistes d’interprétation.
Gabrielle Manglou, Exposition personnelle / DÉLICATOLITHO / 2021 / Détail / Cailloux, bois, aquarelle, tissu, acrylique, poudre de graphite, ficelle… / Commissariat Alessandra Prandin / CAP Saint-Fons / ©CAP Saint-Fons
Partant du constat que peu de vestiges archéologiques étaient présents sur l’île où elle est née, du présupposé selon lequel toute histoire ne peut s’écrire qu’à partir d’objets, et de son goût pour le contre-courant, l’artiste s’amuse depuis à recomposer des histoires par les empreintes, visibles et invisibles, que chaque chapitre a laissées sur son passage, dans les terres et dans les mémoires, dans les corps et dans les cœurs, autour de toutes les présences qu’elle s’attache à relier.
Gabrielle Manglou, Tracés, pliés / Expo en duo avec Joey Arand / 2024 / Détail, vue d’espo / Bois, faux fruits, photocopies rehaussées à l’aquarelle, papier japon / Commissariat Carola Ruf / Kunst Temple Kassel / ©CarolaRuf
Rares sont ainsi chez elle les lignes continues ou parallèles. À choisir, l’artiste préfère l’accordéon. Joueuse, elle plie, déplie et replie les lignes, les signes et tout ce qu’ils recouvrent, pour composer des histoires dont s’imprégner par tous les sens, à palper, à creuser et, surtout, par lesquelles se laisser traverser. Dans le chaos, finalement, peut-être que tout est un.