Mendes-Franco, Janine, “Artist Jasmine Thomas-Girvan Taps into the ‘Eternal Connections’ of Black Caribbean Ancestry”, Globalvoices, 30 novembre 2021
→Bishop, Jacqueline, « Jasmine Thomas-Girvan Utilizes the Subject of Loss to Right the Wrongs of the Past and the Present », Huffington Post, 17 janvier 2017
Sculptrice jamaïcaine.
La sculptrice Jasmine Thomas-Girvan passe son enfance dans la maison de ses parents, une oasis arborée surprenante dans l’urbaine Saint Andrew, ce qui entraîne chez elle une fascination pour la faune, la flore et l’ambivalence, que l’on perçoit dans son travail tout au long de sa carrière. Formée à la conception de bijoux et de textiles, elle obtient une licence de beaux-arts à la Parsons School of Design de New York en 1984. À partir des années 2000, son œuvre est passée de petits objets, le plus souvent vestimentaires, à des installations à grande échelle, comprenant occasionnellement des éléments multimédias.
Faisant référence aux mémoires ancestrales, aux cosmologies africaines, à la politique postcoloniale de la région, à la question de la race dans les Caraïbes et en Amérique latine et à des expériences profondément personnelles et parfois tragiques, l’artiste s’inspire également de la littérature, en particulier de la poésie d’Octavio Paz et d’Olive Senior.
Ces thèmes pluridimensionnels se rencontrent dans la matérialité de son œuvre. Mêlant papier, bois, bronze et plus récemment verre soufflé et coulé, J. Thomas-Girvan combine sans heurts ces matériaux avec des ready-made, objets du quotidien amassés tout au long de sa vie, tels que des palmes, des plumes et des coquillages. Ces ready-made sont spécifiquement enracinés dans le paysage et l’imaginaire caribéens. Ils évincent l’histoire et le passé colonial contesté de la région et évoquent plutôt les thèmes universels que sont la transformation et la construction de l’identité.
Dans la série Turntable [Tourne-disque, 2018], la musique constitue le point de rencontre de plusieurs questions inextricablement nouées. Fondamentalement, elle fait office d’exutoire et de forme de résistance contre les horreurs de l’asservissement. Dans Cosmic Whispers – HMV (His Master’s Voice) [Murmures cosmiques — HMV (la voix de son maître), 2018], une myriade d’éléments — parmi lesquels des roues de vélo, des plumes d’ara, de l’argenterie ancienne et un stylet de bronze en forme de main — forme un gramophone surréaliste. L’œuvre fait référence au logo du label His Master’s Voice, représentant un chien fasciné par l’enregistrement de la voix de son maître décédé. Elle interroge le terme « master » (maître) dans son rapport aux personnes d’ascendance africaine dans les contextes de la religion, du postcolonialisme et de l’industrie du disque. L’œuvre amplifie la présence du spectre du propriétaire d’esclaves dans les contextes postcoloniaux où elle a été créée. Elle interroge également la façon dont l’adhésion de la population au Dieu chrétien et au maître a été manipulée pour entretenir et renforcer les rapports coloniaux de races. Enfin, elle traite du fait que l’appropriation du « master » (la bande originale) par les maisons de disque a souvent dépossédé de leurs droits les musiciennes et musiciens qui ont créé la musique.
J. Thomas-Girvan a reçu le Tiffany Award for Excellence lors de ses études à Parsons, le Commonwealth Foundation Arts Award en 1996 et la médaille Musgrave d’argent de l’Institut de la Jamaïque pour sa contribution exceptionnelle aux arts en 2014. En outre, elle est la seule artiste à avoir reçu deux fois l’Aaron Matalon Award pour contribution exceptionnelle à la Biennale de la National Gallery of Jamaica, en 2012 et 2017.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « The Origin of Others. Réécrire l’histoire de l’art des Amériques, du XIXe siècle à nos jours » en partenariat avec le Clark Art Institute.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2022