George, Alice,« Sculptor Edmonia Lewis Shattered Gender and Race Expectations in 19th-Century America » , The Smithsonian Magazine, 22 août 2019
→Roscoe Hartigan, Lynda, « Lewis, Mary Edmonia ‘Wildfire’ », dans Clark Hine, Sarlene, Black Women in America, Oxford, Oxford University Press, 2e éd., 2005
→Wolfe, Rinna Evelyn, Edmonia Lewis: Wildfire in Marble, Parsipippany, Dillon Press, 1998
Edmonia Lewis and Henry Wodsworth Longfellows: Images and Identities, Fogg Art Museum, Cambridge, 18 février – 3 mai 1995
→Art of the American Negro Exhibition, Chicago, 1940
Sculptrice états-unienne.
Mary Edmonia « Wildfire » Lewis, connue sous le nom d’Edmonia Lewis, est la première femme métisse à devenir une sculptrice accomplie d’envergure nationale et internationale aux États-Unis, se faisant un nom en Italie et en Angleterre comme dans son pays à l’époque de la guerre de Sécession. Ses créations en marbre sont connues pour leurs représentations de figures abolitionnistes, de sujets autochtones et africains-américains, de thèmes bibliques et de portraits exécutés dans le style néoclassique populaire à la fin du XIXe siècle. L’histoire d’E. Lewis est truffée d’énigmes et marquée par les réalités complexes du travail des femmes dans le milieu dominé par les hommes de la sculpture, ainsi que par les incohérences dans les entretiens et les écrits que l’artiste a laissés.
E. Lewis naît dans l’État de New York en 1844. Sa mère, Catherine Mike Lewis, a des origines mississaugas et ojibwés ; elle est une tisseuse et artisane accomplie. Son père est un Africain-Américain du nom de Lewis, dont l’identité exacte est incertaine ; on pense qu’il était soit un domestique esclavisé, soit un écrivain, originaire des Caraïbes. On sait peu de chose de l’enfance d’E. Lewis, si ce n’est qu’elle a grandi dans le New Jersey et qu’elle a reçu le nom de Wildfire (« feu de forêt »). À la mort de ses parents quand elle n’a que neuf ans, elle est élevée par son demi-frère Samuel « Sunrise » (« lever de soleil ») Lewis et deux tantes du côté de sa mère. Samuel quitte la famille et fait fortune lors de la Ruée vers l’or en Californie. Quand E. Lewis atteint l’âge adulte, Samuel l’inscrit à la Ladies’ Preparatory Division (cours préparatoire pour dames) dans l’Ohio, qui devient plus tard Oberlin College.
E. Lewis quitte Oberlin College après avoir été arrêtée pour avoir supposément empoisonné une camarade. Sur cette accusation infondée, elle est violemment agressée et emprisonnée avant d’être innocentée. Elle s’installe alors à Boston pour poursuivre une carrière d’artiste. Encadrée par le sculpteur Edward Brackett (1818-1908), elle s’attire le soutien de Lydia Maria Child (1802-1880) et de William Lloyd Garrison grâce aux bustes et aux médaillons d’abolitionnistes qu’elle réalise. E. Lewis se lie d’amitié avec les sculptrices Harriet Hosmer (1830-1908), Anne Whitney (1821-1915) et Charlotte Cushman (1816-1876) qui l’encouragent à s’installer à Rome, où elle ouvre un atelier en 1865. Elle devient une membre en vue d’un groupe de sculptrices britanniques et américaines expatriées en Italie, que l’écrivain Henry James qualifie de « blanc troupeau marmoréen » (« the White, Marmorean Flock»). L’atelier d’E. Lewis est très apprécié des touristes américains et gagne en popularité dans la bonne société italienne. Toutefois, l’artiste est très sensible aux questions politiques relatives à la race, à la classe et au genre ; elle tâche de protéger son intégrité, son authenticité et son autonomie artistique. De la première taille du marbre au polissage final, chacune des créations d’E. Lewis est entièrement faite de sa main, sans le soutien d’assistants d’atelier, l’artiste craignant qu’autrement, son travail ne soit attribué à un assistant masculin.
De 1865 à 1876, la carrière d’E. Lewis est marquée par la création d’œuvres majeures portant sur la question de la libération. Forever Free (1867) s’inspire du texte de la proclamation d’émancipation, le décret d’Abraham Lincoln qui a mis fin à l’esclavage légal aux États-Unis. La sculpture, qui se trouve à la Howard University Gallery of Art, est la première œuvre connue d’une artiste américaine à représenter des individus africains-américains libres. Dans The Death of Cleopatra (1876), qui se trouve au Smithsonian Museum of American Art, E. Lewis considère qu’étant donné la terrible situation dans laquelle se trouvent les femmes racisées dans le monde, le suicide peut être vu comme un acte de libération, puisqu’il empêche le pouvoir masculin de planifier l’exécution de Cléopâtre. L’esthétique et les visions politiques d’E. Lewis sont autant de déclarations audacieuses, osées et courageuses ; son œuvre est estimé à une soixantaine de sculptures, dont moins de la moitié a été retrouvée.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « The Origin of Others. Réécrire l’histoire de l’art des Amériques, du XIXe siècle à nos jours » en partenariat avec le Clark Art Institute.
© Archives of Women Artists, Research and Exhibitions, 2022