Heidi Strobel, The Art of Mary Linwood : Embroidery, Installation, and Entrepreneurship in Britain, 1787-1845, Londres, Bloomsbury, 2024.
→Matthew Craske, « Mary Linwood of Leicester’s Pious Address of Violent Times », The Journal of Religious History, Literature and Culture, vol. 7, no 1, juin 2021, p. 1-34.
→Rosika Desnoyers, Pictorial Embroidery in England : A Critical History of Needlepainting and Berlin Work, New York, Bloomsbury, 2019, p. 20-33.
→Mary Linwood, Embroidered Paintings by Mary Linwood (1755-1845). Miss Linwood’s Gallery of Pictures in Worsted : Leicester Square, Londres, Rider and Weed, Little Britain, 1812.
Making Her Mark : A History of Women Artists in Europe, 1400-1800, Baltimore Museum of Art, Baltimore, octobre 2023-janvier 2024 ; Art Gallery of Ontario, Toronto, mars-juillet 2024.
→Miss Linwood’s Exhibition, Saville House, Leicester Square, Londres, 1809-1845.
→Pantheon Assembly Rooms, Oxford Street, Londres, mai 1787.
Brodeuse britannique.
Mary Linwood jouit d’une réputation internationale pour ses habiles travaux d’aiguille. Première artiste femme à posséder sa propre galerie à Londres, elle se fait une place à la fois grâce à ses textiles, œuvres de référence dans leur genre, et à son esprit d’entreprise, exposant ses compositions sans les vendre. En 1809, M. Linwood ouvre à Leicester Square sa galerie, qu’elle dirige jusqu’à sa mort. L’espace abrite plus de soixante œuvres textiles, installées dans des pièces luxueusement aménagées et mises en scène de manière attrayante et inventive. Ses travaux de broderie, qui comptent des reproductions fidèles d’œuvres d’artistes phares comme des compositions originales, font entrer la broderie en conversation avec l’art dit « noble » de la peinture, promouvant la culture artistique et en particulier l’art britannique. La maîtrise du médium dont fait preuve l’artiste est largement reconnue par le public, qui paye pour voir son exposition, et par des mécènes, telle la reine Charlotte.
La formation de M. Linwood dans les travaux d’aiguille commence probablement comme celle de la plupart des jeunes filles d’alors, par l’apprentissage de la broderie sous la supervision de sa mère, qui consiste à pratiquer des points communs en faisant des échantillons et à étudier des livres de modèles. Son travail ne relève ni du kitsch ni de l’artisanat, et il ne se conforme pas non plus aux traditions académiques établies. Elle travaille principalement à partir de laine peignée, construisant ses compositions par des points en biais ou superposés dans de subtiles variations de couleur afin d’imiter des coups de pinceau ou un épais empâtement. Dans sa version de Tigress, de George Stubbs (1724-1806), aujourd’hui dans la collection du Yale Center for British Art, à New Haven, sa maîtrise de la couleur et de la texture peut être observée dans son traitement magistral de la fourrure de l’animal et dans sa capacité à transformer la laine, douce par nature, en un arrière-plan de roche froide.
Tout au long de sa vie, M. Linwood défend l’accessibilité et l’éducation en parallèle de sa carrière entrepreneuriale. Elle travaille comme enseignante au pensionnat fondé par sa mère tout en maintenant sa galerie comme une destination où les visiteurs peuvent admirer le croisement entre un travail artistique talentueux et l’œuvre de peintres majeur·e·s. La liste des œuvres et leur installation sont restées inchangées tout au long des décennies qu’a duré leur exposition, M. Linwood refusant à maintes reprises de démanteler son œuvre. Avec de la laine, elle réplique des œuvres de Guido Reni (1575-1642) et de Carlo Dolci (1616-1686), bien qu’elle préfère fortement l’école britannique, notamment sir Joshua Reynolds (1723-1792), Thomas Gainsborough (1727-1788) et Maria Cosway (1760-1838). Sa collection soigneusement agencée de copies ainsi que ses œuvres originales comptent de nombreux paysages mais font aussi montre de ses talents dans le portrait, la nature morte et les scènes historiques.
En tant que femme célibataire, M. Linwood bénéficie à la fois d’une liberté accrue pour poursuivre ses objectifs artistiques et d’une motivation supplémentaire pour subvenir à ses besoins. Dans son testament, elle lègue l’une de ses œuvres les plus remarquées, un Savator Mundi d’après Dolci, à la reine Victoria, en reconnaissance du soutien continu de la Couronne à sa carrière. La galerie de M. Linwood et son succès de point d’attraction pour les touristes et les amateurs d’art ont ouvert la voie à des femmes comme la sculptrice de cire Marie Tussaud (1761-1850), dont les expositions temporaires étaient contemporaines de celles de M. Linwood, et qui a suivi la voie de la brodeuse en ouvrant une galerie permanente à Londres. M. Linwood continue à travailler jusqu’à plus de soixante-dix ans. Les œuvres de sa galerie sont finalement dispersées et vendues par Sotheby’s après sa mort.
Une notice réalisée dans le cadre du programme « Rééclairer le siècle des Lumières : Artistes femmes du XVIIIème siècle »
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