Bonaparte Mathilde Letizia Wilhelmine, Mémoires inédits, Paris, Grasset, 2019
→Des Cars Jean, La Princesse Mathilde : l’amour, la gloire et les arts, Paris, Perrin, 2006
→Bonaparte Mathilde Letizia Wilhelmine, Flaubert Gustave, Lettres inédites à la Princesse Mathilde, Paris, Louis Conard, 1927
Un soir chez la Princesse Mathilde, une Bonaparte et les arts, Palais Fesch, Ajaccio, juin – septembre 2019
→La princesse Mathilde et son temps, Palazzo Strozzi, Florence, 1959
Aquarelliste française.
Fille du roi Jérôme, frère de Napoléon, et de Catherine de Wurtemberg, Mathilde Bonaparte naît et grandit en Italie, où sa famille s’est exilée après le court règne de son père en tant que roi de Westphalie (1807-1813) et la chute de l’Empereur. La jeune princesse s’y initie aux arts d’agrément – dessin, tapisserie, etc. – mais reçoit aussi des leçons de peinture de Michel Ghislain Stapleaux (1799-1881), élève de Jacques-Louis David (1748-1825), et de l’artiste florentine Ida Botti Scifoni (1812-1844). Elle épouse en 1840 le russe Anatole Demidoff, dont la villa de San Donato, près de Florence, abrite une très importante collection d’œuvres d’art. M. Bonaparte visite les musées italiens, réalise des copies et fréquente les ateliers d’artistes, avant de s’installer en France en 1846. Sa séparation d’avec le prince Demidoff est prononcée par le tsar en 1847, alors que la princesse est devenue la compagne d’Émilien de Nieuwerkerke (1811-1892), sculpteur appelé à jouer – en partie grâce à elle – un rôle déterminant dans l’administration impériale des beaux-arts. M. Bonaparte organise rapidement autour d’elle un important salon littéraire et artistique, et pratique une forme de « soutien à la création », par le biais d’achats ou d’aides financières, qui tient autant aux devoirs liés à sa position officielle d’altesse impériale qu’à son goût personnel. Elle est l’une des rares femmes collectionneuses du XIXe siècle en France, avant Nélie Jacquemart-André (1841-1912).
Salonnière, collectionneuse, la princesse se (re)présente surtout en artiste dans ses portraits. Pratiquant majoritairement le dessin et l’aquarelle, elle continue sa vie durant à suivre les leçons d’un maître, signe des lacunes de sa formation de peintre amateur : occasionnellement Ernest Hébert (1817-1908), mais surtout Eugène Giraud (1806-1881), un de ses plus proches amis, dont elle se revendique l’élève au Salon, où elle expose sous son nom de 1859 à 1867. M. Bonaparte présente surtout des figures de fantaisie, vêtues de costumes qui participent des fantasmes historicistes et orientalistes du moment, peintes sur des feuilles de relativement grandes dimensions, comme Une fellah (Salon de 1861), Tête d’étude, d’après nature dit aussi Orientale (1864) ou encore Juive d’Alger (Salon de 1866). Elle se distingue ainsi des autres femmes artistes de son temps, souvent cantonnées à la copie ou à la nature morte, par sa prédilection pour la figure et le travail « d’après nature », faisant poser des jeunes femmes – parfois dénudées – dans son atelier parisien ou celui de sa propriété de campagne à Saint-Gratien. Elle se conforme aussi à ce qu’il est attendu de son « sexe » en présentant des copies d’après les maîtres et en pratiquant la peinture de fleurs et d’oiseaux sur éventail, paravent, etc. En 1869, elle réalise ainsi une grande peinture sur soie pour les frères Goncourt, décor pour un plafond de leur maison d’Auteuil (œuvre non localisée). La princesse reçoit deux mentions honorables puis une médaille de troisième classe en 1865. Dans la presse, les commentaires louent la qualité « virile » de sa manière, qui rivalise avec la peinture à l’huile et lui permet d’échapper aux caractéristiques de l’« art féminin ». En privé, les opinions sont plus souvent condescendantes – ainsi Edmond de Goncourt, qui observe la princesse au travail et la décrit occupée à « barbouiller » comme une enfant (Journal, 5 novembre 1874).
Femme indépendante – maritalement et financièrement –, à la fois gardienne farouche de la mémoire des Bonaparte et libre-penseuse, M. Bonaparte mène une vie relativement libre aux côtés des artistes, ce qui lui vaut d’être prise pour cible par les caricaturistes anti-bonapartistes en 1870-1871. Considérations esthétiques mises à part, elle apparaît comme une personnalité artistique majeure de la période par l’importance de son salon et de sa collection, par sa détermination à s’élever, en tant qu’artiste, au-dessus de la condition de dilettante et à traiter de sujets considérés comme masculins, mais aussi simplement par la position de première importance qu’elle occupe dans la vie publique et mondaine française.
Malgré quelques achats récents du musée Hébert à Paris (établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie) et du musée Fesch à Ajaccio, la majorité des œuvres de M. Bonaparte actuellement dans les collections publiques françaises a été donnée par l’artiste. La princesse a également légué aux musées nationaux plusieurs œuvres de ses collections, parmi lesquelles son buste en marbre par Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875) et son portrait au pastel par Lucien Doucet (1856-1895), qui l’a représentée en train de peindre.
Publication réalisée en partenariat avec le musée d’Orsay.
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