Nur Koçak, considérée comme l’une des premières artistes hyperréalistes de Turquie, émerge sur cette scène à la fin des années 1970. Elle peint dans ses tableaux des objets de consommation et de culture populaire, en utilisant des symboles comme le parfum, le rouge à lèvres et la lingerie. Les représentations monumentales hyperréalistes de ces objets évoquant le corps féminin véhiculent le désir, mais la portée de son œuvre réside aussi dans leur potentiel d’interprétation féministe.

N. Koçak poursuit ses études secondaires à Ankara et à Washington, D.C. Entre 1960 et 1964, elle est étudiante au département de peinture de l’Académie nationale des beaux-arts d’Istanbul, où elle suit l’enseignement d’Adnan Çoker (1927-2022) et de Cemal Tollu (1899-1968), deux peintres établis de cette période. Avant de finir ses études, elle s’installe à Lausanne, en Suisse, où elle travaille comme dessinatrice technique de 1964 à 1967. Un an après son retour à Istanbul, N. Koçak est diplômée de l’Académie, sous la direction de Neşat Günal (1923-2002), dont les tableaux empreints de réalisme social ont sur elle un fort impact. L’artiste reçoit en 1970 une bourse d’État pour se rendre à Paris, où elle s’inscrit à l’École nationale supérieure des beaux-arts pour étudier la peinture. De 1975 à 1981, elle enseigne elle-même cette technique à l’Académie d’Istanbul.

Les œuvres réalisées par N. Koçak dans les années 1970 intègrent plus particulièrement des objets de la société de consommation européenne et offrent une exploration de l’esthétique kitsch. Ainsi, pour Vivre (1974), qui représente un flacon de parfum éponyme, l’artiste puise son inspiration dans les publicités et les magazines féminins. Ce tableau constitue un jalon dans sa production, car c’est la première peinture exposée à Paris qu’elle réalise grâce à la technique de l’aérographe. The Lipstick Altar (1979-1988), ainsi que des œuvres plus tardives, dont Untitled et Mısırlı Men’s Underwear (Shop Windows 3-4) (1990) ou encore Peri Lingerie (2008-2009), participent également de cette approche, transformant des objets utilitaires vus dans des vitrines de magasin en œuvres d’art.

Dans les années 1980, N. Koçak commence à dépeindre la vie des années 1940 et 1950 en Turquie. Les figures représentées dans la série Family Album, comme Myself 1 (1984-1985) et Myself 2 (1985), créées à partir de photographies des siens, véhiculent l’image d’une famille progressiste de cette époque. Durant cette décennie, l’artiste détourne aussi des cartes postales de soldats anonymes qu’elle a collectionnées pour créer sa série Your Blissful Souvenirs (1981). Elle les accompagne de dessins noir et blanc inspirés par une rubrique publiée dans Kelebek, un magazine féminin populaire à cette époque. Ces tableaux revêtent une portée historique, car ils reflètent l’atmosphère politique et sociale oppressive des années 1980, à la suite du coup d’État.

Par leur fort aspect documentaire et archivistique, les œuvres de N. Koçak immortalisent l’attitude que les gens adoptent face à l’appareil photographique. Elles reflètent l’intervention du photographe et la manière dont leurs modèles sont portraiturés dans des poses établies. L’apparence qu’elle octroie à divers objets trahit son désir d’inverser les positions du sujet et de l’objet.

Les œuvres de N. Koçak sont conservées dans des collections publiques et privées, dont le musée d’Art moderne d’Istanbul. Son exposition la plus importante à ce jour a été présentée au centre d’art Salt Beyoğlu, à Istanbul, en 2019.