Salamon Eszter, Eszter Salamon 1949, catalogue de l’exposition Eszter Salamon 1949 commissariat Nataša Petrešin-Bachelez, Jeu de Paume, Paris, [14 octobre – 9 novembre 2014], Paris, Jeu de Paume, 2014
→Eszter Salamon and Bojana Cvejić, TALES OF THE BODILESS, Berlin, Botschaft Gbr, 2011
Chorégraphe et performeuse hongroise.
Formée à la danse traditionnelle hongroise et au ballet classique, Eszter Salamon, qui travaille entre Paris, Berlin et Budapest, a toujours articulé les disciplines. En 2001, elle signe son premier solo, What a Body You Have, Honey, déjà imprégné de motifs récurrents tels que l’obstruction du visage. Son œuvre ne peut cependant se ranger seulement sous l’étiquette « danse » : l’artiste crée autant pour les scènes contemporaines que pour les musées et travaille aussi bien le geste performatif que la vidéo.
Dès le début de son parcours, E. Salamon tend vers une déconstruction systématique des normes, postures et regards dominants. Reproduction (2004) met ainsi en scène huit femmes grimées en hommes, dans une reconfiguration perpétuelle du désir. Sa pièce suivante, Magyar Táncok (2005), autour des traditions hongroises, laisse apparaître des composantes essentielles de son travail : la voix et l’autobiographie. Si l’artiste et chorégraphe emprunte aux techniques du documentaire, elle cherche surtout à flouter les contours de l’identité par la « désidentification ». En 2011, elle opère un tournant vers la complète fiction avec TALES OF THE BODILESS, un opéra spéculatif sans interprètes, une partition de voix, lumières et sons sur l’absence de corps.
À partir de 2014, E. Salamon initie une recherche au long cours, les « Monuments », qui célèbre des récits qui ne sont pas commémorés par l’histoire canonique. Le titre de chaque création est suivi d’un chiffre – qui débute à 0 mais n’atteindra jamais 1 – suivant une logique propre à l’artiste, celle de l’apparition de ses idées. MONUMENT 0 : Haunted by Wars (1913-2013), première pièce de la série, noue histoire et chorégraphie en mettant en lumière les liens entre les danses guerrières et la colonisation occidentale. L’histoire devient ensuite personnelle avec une création pour un danseur et une danseuse âgé·e·s de New York, MONUMENT 0.1 : Valda and Gus (2015). Après un passage par la mémoire de la cabarettiste allemande Valeska Gert, figure récurrente dans l’œuvre d’E. Salamon qui mène notamment à l’installation performative Study for the Valeska Gert Pavilion (2022), la série s’aventure dans l’intimité de la relation mère-fille avec MONUMENT 0.7 : M/OTHERS (2019). L’artiste prolonge cette recherche sur les généalogies féministes dans MOTHERS & DAUGHTERS (2024), une œuvre où le contact continu, les textures de toucher et les gestes d’empathie, s’inscrivent également dans l’attention suivie d’E. Salamon aux éthiques et pratiques du « care ».
Toujours, l’artiste intègre la durabilité à ses processus et replace la chorégraphie au sein d’un contexte global, politique, sociologique et écologique. MONUMENT 0.10 : The Living Monument (2022), créé avec la compagnie norvégienne Carte Blanche, active par exemple la notion de recyclage à plusieurs niveaux : celui des matériaux de costumes, celui des sons de la composition, mais aussi celui des savoirs. Résolument interdisciplinaire, comme l’entièreté de l’œuvre d’E. Salamon, ce travail se décline ainsi en vidéo installation, Landscaping, présentée dans le cadre de la Biennale de la Danse de Lyon 2025 en partenariat avec Le Centre Pompidou et Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM).
Récompensée par le prix Evens pour l’art en 2019, E. Salamon est lauréate l’année suivante de l’appel à projets La Vie bonne, organisé par le Centre national des arts plastiques en France et AWARE. Elle prépare actuellement un doctorat en arts à l’académie des arts KHiO à Oslo, en Norvège.
Cette notice a été publiée dans le cadre du projet « La Vie Bonne » en partenariat avec le Cnap.
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