Teicher Gaël, Berry Bickle, Montreuil, éditions de l’œil, 2008
Berry Bickle, Suite Europa, Galerie Peter Herrmann, Berlin, 9 octobre – 13 novembre 2011
Plasticienne zimbabwéenne.
Avec une prédilection pour la peinture, et la céramique, Berry Bickle étudie l’art au Durban Institute of Technology ainsi qu’à l’université Rhodes de Grahamstown en Afrique du Sud, avant de commencer à réaliser des installations. Son travail explore l’histoire du Zimbabwe sous l’angle des théories postcoloniales et s’inscrit dans la veine des recherches postcoloniales développées essentiellement dans les pays anglo-saxons à partir des années 1990. Femme blanche dans une région d’Afrique où les relations entre Noirs et Blancs sont nourries de violence, l’artiste puise dans le passé pour tenter d’éclairer le présent. Des lettres de navigateurs portugais échouées sur les côtes africaines aux XVe et XVIe siècles constituent ainsi l’une des matières importantes de son œuvre. Elle retranscrit les propos contenus dans ces carnets de voyage et les décline sur différents supports récurrents dans son travail : cartes, vieux parchemins, objets trouvés dont elle réalise des collages. Sensible au recyclage des objets, aux liens entre histoire et mémoire – comme l’indique le titre de son exposition Rewrites [Réécrits, Maputo, 2001] –, elle explore la culture d’un pays au croisement entre l’Afrique, l’Europe et l’Inde, et utilise souvent la terre comme symbole et témoin des sécheresses, des guerres ou de l’exode.
Dans Sarungano (2000), terme qui désigne à la fois le conteur et l’histoire contée dans la langue la plus parlée au Zimbabwe, le shona, l’artiste suspend sur un panneau de plusieurs mètres des objets de la vie quotidienne recouverts ou remplis de sable ou de sel en hommage aux personnes disparues (au Zimbabwe, le sel évoque la souffrance, tandis que le sable, renouant avec la terre, représente la libération par rapport aux souffrances terrestres). À ces ustensiles (cuillères, tasses ou autres) sont associés des fragments du sonnet 66 de William Shakespeare : « Tired With All These for Restful Death I Cry » [lassé de tout j’invoque le repos de la mort], dénonçant les injustices sociales et morales dans le monde. Transposé dans le contexte zimbabwéen où il est enseigné aux enfants, ce sonnet se transforme en hommage aux jeunes générations africaines, aux prises avec l’histoire mouvementée de leur pays. Pour l’exposition itinérante Africa Remix (2004-2006), l’artiste donne à voir cinq photographies de fœtus d’éléphants appartenant au Museum d’histoire naturelle de Maputo, au Mozambique, et conservés dans du formol depuis la Première Guerre Mondiale, quand l’occupant portugais tua plus de 2000 animaux pour un projet agricole non réalisé. Le concept de l’œuvre intitulée Swimmer (« nageur ») est né, selon l’artiste, « des tragédies engendrées par les idées reçues sur lAfrique et le colonialisme ». Pour elle, « Swimmer est un équilibre entre le miracle de la vie et l’inégalité des pouvoirs. »