My Address is neither a House nor a Street, My Address is a Shopping Centre, Contemporary Art Centre, Vilnius, 2004-2005
Plasticienne et performeuse lituanienne.
Située à la croisée des genres, entre vidéo et art conceptuel, et des supports, comme la peinture, la photographie ou encore les objets, l’œuvre d’Eglė Rakauskaitė aborde une myriade de problématiques contemporaines. Née en Lituanie sous le régime soviétique, E. Rakauskaitė atteint sa majorité alors que le pays va retrouver son indépendance, à une époque où les artistes jouissent pour la première fois d’une liberté de création totale et sans entrave.
Ses premières œuvres de performance et de body art, réalisées sous le pseudonyme d’Egle Rake, sont incroyablement novatrices dans le paysage de l’art lituanien de l’époque. En effet, les artistes du pays qui, dans les années 1980, s’intéressent aux actions et aux performances axent principalement celles-ci sur le happening et l’intervention. E. Rake, quant à elle, est l’une des premières artistes, femme de surcroît, à utiliser son corps de manière aussi viscérale dans des performances lors desquelles elle s’enduit de graisse ou de miel, insistant ainsi à la fois sur l’aspect physique du corps féminin et sur sa consommation (In Honey, 1996 ; In Fat, 1998). Sa première performance, Trap. Expulsion from Paradise (1995), traite également du corps de la jeune femme, du passage à l’âge adulte et à la maturité dans un contexte religieux. Originaire d’une ville qui ne compte pas moins de 28 églises et dont l’horizon fourmille de clochers, l’artiste aborde le poids de la religion dans la société lituanienne contemporaine et tous les paradoxes qui en découlent dans sa série Chocolate Crucifixes (1995), en mettant en scène la religion comme objet de consommation.
Depuis ces premières œuvres, E. Rake a exploré de multiples thèmes, parmi lesquels le langage, la situation des sans-abri, la surconsommation, la mondialisation, les migrations économiques et le vieillissement. Elle ne se contente pas d’un seul support ou d’une seule forme d’expression, préférant faire usage du médium qui lui permet de traduire au mieux son message ou son idée. À titre d’exemple, la vidéo My America (2003) documente sa mission quotidienne de travailleuse sociale immigrée aux États-Unis, tandis qu’une série de tableaux peints en 2011 donne à voir des codes QR incorporés dans les formes géométriques d’images ordinaires telles que le drapeau américain. Lors de leur présentation au Théâtre national de Kaunas, le public pouvait ainsi interagir avec les tableaux en scannant les codes, qui le renvoyaient vers une page Internet proposant des informations sur le contenu ou le titre de l’œuvre, ou encore une vidéo sur un sujet d’actualité social ou politique.
E. Rake connaît des expositions individuelles à Vilnius, Tallinn et Moscou, mais son œuvre a aussi été montrée lors d’événements internationaux majeurs consacrés à l’art féministe : re.act.feminism #2 – a performing archive (2011-2014) lors de son étape à l’Akademie der Künste de Berlin en 2013 et Gender Check: Femininity and Masculinity in the Art of Eastern Europe à Vienne et Varsovie en 2009 et 2010. Elle participe également à l’exposition After the Wall: Art and Culture in Post-Communist Europe au Moderna Museet de Stockholm en 1999-2000. En 1999, elle représente la Lituanie à la Biennale de Venise, à laquelle son pays figure pour la première fois.