Sussman Elisabeth, Lisette Model, Paris, Phaidon, 2001
→Parry Eugenia & Heiting Manfred, Lisette Model: shooting off my mouth, spitting into the mirror: a narrative autobiography, Göttingen, Steidl, 2009
Lisette Model, National Gallery of Canada, Ottawa, 1990
→Lisette Model: Fotografien 1934-1960, Kunsthalle Wien, Vienne, 28 juin – 15 octobre 2000 ; Fotomuseum Winterthur, 17 janvier – 16 avril 2000
→Lisette Model, Jeu de Paume, Paris, 9 février – 06 juin 2010
Photographe états-unienne.
Née dans une famille aisée, Elise Seybert – ses parents ont changé de nom en 1903 devant la montée de l’antisémitisme – reçoit une formation de chant et de musique auprès d’Arnold Schönberg. Après la mort de son père en 1924, elle s’installe en France en 1926 avec sa mère et sa sœur, à Nice puis à Paris. Elle abandonne le chant en 1933 pour s’initier à la photographie de rue auprès de son premier mentor, Rogi André, première femme d’André Kertész, et poursuit en 1937 son initiation auprès de Florence Henri. Ses premiers clichés et les plus fameux sont pris entre 1933 et 1938 à Paris et sur la côte d’Azur. Dès La Promenade des Anglais (1934) à Nice, le style Model est en place : portrait sans concession de la bourgeoisie européenne entre les deux guerres, opulente et oisive, montrée sans fard dans des attitudes peu flatteuses. Son regard direct est cependant respectueux des sujets photographiés. Ses premières publications dans les revues communistes Regards et Lilliput marquent ses débuts comme photographe documentaire de rue. Après son mariage avec le peintre d’origine russe Evsa Model, elle émigre en 1938 aux États-Unis et réalise ses premiers portraits à Wall Street, Lower East Side et Coney Island. Membre de la Photo League dès sa création en 1936, elle rencontre Berenice Abbott. La série Reflections (1939-1945) montre les reflets des piétons et des gratte-ciels dans les vitrines. Concentrée sur le rythme de la ville, elle saisit de façon instinctive les passants qui sont comme extraits de la foule (séries Running Legs, 1940-1941, et Pedestrians, vers 1945). Sa rencontre en 1940 avec Ralph Steiner, éditorialiste du magazine PM’s Weekly, lui permet de publier ses images de la promenade des Anglais. Elle est engagée comme photographe. Ses œuvres des années 1940-1950 s’intègrent au style de l’école de New York, qui recouvre les images prises entre 1936 et 1955 par des photographes aussi différents que Walker Evans, Weegee, William Klein ou Robert Frank. Ce mouvement se situe entre deux pôles opposés : le documentaire social représenté par la Photo League et le style journalistique sophistiqué cultivé dans certains magazines. Reconnue par ses confrères comme Ansel Adams et Edward Steichen, mais aussi par des directeurs de magazines illustrés, elle réalise sur la côte Ouest de nombreux portraits d’intellectuels, d’artistes, de photographes ainsi que du public de l’Opéra de San Francisco.
Elle travaille de 1941 à 1953 pour Harper’s Bazaar, qui publie ses premières photographies de la série des baigneuses au corps opulent de Coney Island en 1941. Ses images paraissent aussi dans US Camera, revue dirigée par A. Adams. À partir de 1941-1945, ses clichés traduisent surtout sa fascination pour l’observation de la ville de New York. Parmi ses sujets favoris figurent l’hermaphrodite Albert-Alberta du Hubert’s Flea Circus et les « habitants » du Sammy’s bar, boîte de nuit du Bowery. En 1951, elle devient, jusqu’à la fin de sa vie, une professeure célébrée de la New School for Social Research de l’université Columbia. « Photographiez avec vos tripes », conseille-t-elle à ses élèves qu’elle emmène travailler dans les rues de la Big Apple. Nombre d’entre eux sont marqués par son regard sans peur et peu conventionnel : Diane Arbus, Rosalind Solomon, Bruce Weber ou encore Larry Fink, à qui elle transmet la capacité à s’approcher du sujet, à s’intéresser à son environnement, à vivre au présent et à saisir ce qui captive au lieu de se demander comment les images sont perçues. Chaque fois, peut-être en souvenir de l’expressionnisme côtoyé en Europe, la photographe dramatise ses images par le flash, le recadrage, la contre-plongée. Les personnes humaines constituent sa cible : passants dans la rue qu’elle dévisage brutalement, clients saisis en plein baiser dans les bars à la mode, spectatrices de l’Opéra en fourrure, habitants désargentés du quartier new-yorkais de Lower East Side. Le Museum of Modern Art a présenté ses travaux dans des expositions collectives au début des années 1940, In and Out of Focus (1948), The Family of Man (1955) et Seventy Photographers Look at New York (1957). L’Art Institute de Chicago a organisé la première exposition rétrospective de ses photographies en 1943. Elle est aussi le sujet de nombreuses monographies, parmi lesquelles Lisette Model (1979) de Marvin Israel et le livre écrit par Ann Thomas à partir des archives, négatifs et documents acquis par la National Gallery of Canada d’Ottawa en 1991. Professeure passionnée et reconnue par toute une génération de « photographes de rue », elle est une des premières à avoir portraituré avec le même intérêt toutes les catégories sociales croisées dans les rues de New York. Elle sera en cela suivie par son élève la plus brillante, D. Arbus.