Margaret Bourke-White, Self-Portrait with Camera [Autoportrait à la chambre], épreuve argentique, 34,9 x 22,7 cm, © Digital Image Museum Associates/LACMA/Art Resource NY/Scala, Florence
Après la Grande Guerre, les femmes photographes deviennent des professionnelles aguerries : elles organisent des expositions dans les salons et les galeries, créent des écoles, dirigent des studios ou des agences, écrivent l’histoire de la photographie. Leurs photographies font les couvertures des plus grands magazines, Vogue, Vu, Life, National Geographic, etc.
Barbara Morgan, We are three women–We are three million women, 1938, épreuve argentique, 33,7 x 45,5 cm, Münchner Stadtmuseum, Munich, © Münchner Stadtmuseum, Sammlung Fotografie
Souvent pionnières, elles expérimentent de nouvelles techniques : macrophotographies (Laure Albin Guillot), solarisations (Lee Miller), photogrammes (Lucia Moholy), dessins lumineux (Barbara Morgan), surimpressions, photomontages et photocollages (Olga Wlassics, Dora Maar), rayons infrarouges et ultraviolets (Ellen Auerbach), procédés en couleur (Madame Yevonde, Gisele Freund), qui vont contribuer à l’émergence de la photographie moderne. Elles s’inscrivent ainsi dès l’origine dans tous les mouvements avant-gardistes : surréalisme (Claude Cahun, Dora Maar), Bauhaus (Marianne Brandt), Nouvelle Objectivité (Hilla Becher), Straight Photography (photographie pure, Alma Lavenson) ou encore Nouvelle Vision (Florence Henri).
Ruth Bernhard, Embryo, 1934, tirage 1955-1960, tirage argentique, 19,05 x 16,51 cm sans cadre, Keith de Lellis Gallery, New York, reproduced with permission of the Ruth Bernhard Archive, Princeton University Art Museum, © Trustees Princeton University © Photo courtesy of the Keith de Lellis Gallery, New York
Forte de leur statut de photographe, elles s’aventurent dans des espaces qui leur étaient jusque-là interdit comme celui de la représentation de nus, masculins ou féminins. Mais, bien que toléré par la censure s’il est sans poil pubien ni organe sexuel, le nu, vu par le regard des femmes, heurtent encore la bienséance et nombreuses d’entre elles seront inquiétées par la police pour avoir soi-disant franchi les limites de la décence. Cette émancipation du corps conduit certaines d’entre-elles à s’affranchir des normes sociales liées aux rôles traditionnels de fille, d’épouse et de mère. Elles en détournent les codes de représentation de façon critique ou ironique et brouillent les identités de genre et de sexe (Claude Cahun, Germaine Krull, Hannah Höch ou Lisette Model).
Ruth Bernhard, Doll, 1938, tirage de 1974, tirage argentique, 17,78 x 18,42 cm, Los Angeles County Museum of Art (LACMA), Los Angeles, reproduced with permission of the Ruth Bernhard Archive, Princeton University Art Museum, © Trustees Princeton University © Digital Image Museum Associates/LACMA/Art Resource NY/Scala, Florence
D’autres s’attaquent aux symboles même de la virilité : la machine, l’automobile ou l’architecture industrielle. Mais là encore, parce que ce sont des femmes, elles se heurtent de plein fouet à la domination masculine. Ella Maillart, trop jolie, trop jeune, ne sera pas autorisée à se joindre à la Croisière jaune, un raid automobile de Beyrouth à Pékin organisé par André Citroën d’avril 1931 à février 1932.
Pourtant, elles font preuve d’autant de courage que les hommes, s’aventurant sur les champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale pour témoigner de l’horreur des crimes nazis. L’appareil photo devient alors une arme de guerre contre l’oubli.
De Paris à New York, en passant par Budapest, Londres, Berlin et San Francisco, les femmes photographes nous transmis un regard sans concession, parfois féroce, critique ou moqueur, sur elles-mêmes et sur une société en pleine mutation.
Au musée d’Orsay du 14 octobre 2015 au 24 janvier 2016.