Halawani Rula, Palestine, Bruxelles, La lettre volée, 2008
Rula Halawani, Botanique Museum, Bruxelles, 2008
→Rula Halawani, Presence and Impressions, Selma Feriani Gallery, Londres, 15 janvier – 6 mars 2010
→Rula Halawani, For My Father, Ayyam Gallery, Dubaï, 13 janvier – 3 mars 2016
Photographe et plasticienne palestinienne.
Née dans la zone occupée de Jérusalem-Est, Rula Halawani entame sa démarche artistique en se penchant, au jour le jour, sur les conditions de vie des habitants, parfois extrêmes, dans le cadre du conflit politique de longue durée tantôt ouvert, tantôt larvé. En gros plan ou en plan lointain, ses premières œuvres rendent compte aussi bien du poids du quotidien ou de l’iniquité des restrictions que de l’état de siège, de ses conséquences à grande échelle ou de sa lecture médiatique, locale ou internationale. D’un premier baccalauréat décroché en photographie avancée à l’université de la Saskatchewan au Canada (1989), puis de dix ans de pratique régulière du photojournalisme, R. Halawani semble avoir conservé le souci du document (Traces, 2014), la conscience de l’inscription de son travail sur un plan historique, la volonté de faire émerger des questions de fond en leur prêtant des formes inédites qui nous interrogent.
Une seconde formation, une maîtrise en études photographiques à l’université de Westminster (2001), accentuera encore cette inflexion théorique : son langage inclut et traduit alors, de plus en plus, les implications spatiales de l’occupation, les architectures ou les aménagements contraignants (The Wall, 2005), les mécanismes de coercition ou d’annihilation plus ou moins visibles ; la transformation du paysage l’impressionne également et tous ces éléments, traités comme une matière malléable, infléchissent souvent ses projets en cours de route, les faisant dévier de leurs intentions initiales… Portraits actuels et illustrations d’archives se mélangent ; prises de vue nocturnes ou aux rayons X peuvent symboliser l’inspection, la fouille, la peur, l’entrave, l’oppression ; l’expérimentation sur le support même des images évoque la clandestinité ou l’effacement du temps, la fragilité têtue de la survie ; l’incrustation anachronique de clichés vernaculaires dans un cadre télévisuel démultiplie les couches de vision ou d’interprétation (The Bride Is Beautiful, but She Is Married to Another Man, 2016) – et toujours se lisent en filigrane la difficulté ou l’incertitude de l’identité, l’absurdité du contexte géopolitique, la douloureuse négation d’une culture. L’espace d’exposition, enfin, support peut-être privilégié de son œuvre, permet alors de réinventer ou d’appréhender différemment – quelque part entre liberté de créer et exil intérieur – un espace social ou historique complexe, angoissant, labyrinthique…
Bien des interventions artistiques actuelles, hermétiques, peuvent apparaître désincarnées, désengagées, déconnectées ; d’autres au contraire, plus militantes ou impliquées, auraient tendance à sacrifier l’aspect plastique, l’engagement esthétique… Se situant au confluent des deux préoccupations, l’œuvre de R. Halawani (toujours installée à Jérusalem, où elle a été en outre directrice-fondatrice et professeure agrégée du programme de photographie de l’université de Birzeit, et activement représentée par la galerie Ayyam à Beyrouth et Dubai) nourrit l’une de l’autre et ne néglige aucune dimension, ce dont témoignaient, de façon probante, l’exposition rétrospective Palestine et la publication conjointe, à Bruxelles, en 2008. La force, l’intérêt, la subtilité de son travail consistent sûrement en cette façon d’interroger tout à la fois le statut d’un peuple et celui des images. Observer l’histoire – y compris l’histoire immédiate – revient dès lors à questionner le regard que nous posons sur elle, donc la façon dont nous la construisons et, en permanence, la réinterprétons : au cœur de ce triangle composé de l’œuvre, de ce qu’elle désigne ou dénonce, et de l’instable ou inconfortable position du spectateur extérieur.