Delany, Max, Nowell, Liz, Waup, Lisa (dir.), Yhonnie Scarce Missile Park, cat. exp., Australian Center for Contemporary Art, Melbourne (27 mars – 14 juin 2021); Institute of Modern Art, Brisbane (17 juillet – 18 septembre 2021), Melbourne, Australian Center for Contemporary Art, 2021
→Perkins, Hetti (dir.) Looking Glass: Judy Watson and Yhonnie Scarce, exh. cat., Tarrawarra Museum of Art, Healesville (28 novembre 2020 – 8 mars 2021), Healesville, Tarrawarra Museum of Art, 2020
→Andy Weir, « Dust against the Anthropocene: Yhonnie Scarce’s nuclear geo-fictions », Journal of Visual Culture, 21(3), 2022, p. 495-514
Réclamer la terre, Palais de Tokyo, 15 avril – 4 septembre 2022
→Yhonnie Scarce: Missile Park, Australian Center for Contemporary Art, Melbourne, 27 mars – 14 juin 2021 ; Institute of Modern Art, Brisbane, 17 juillet – 18 septembre 2021
→In Absence, National Gallery of Victoria, 27 novembre 2019 – 8 juillet 2020
Artiste verrière australienne.
Les installations de Yhonnie Scarce traitent de l’histoire coloniale controversée de l’Australie par le moyen du verre, de sa matérialité et de sa dimension politique. D’origine kokatha et nukunu, elle est née à Woomera, un village mis en place par le gouvernement australien pour servir de site d’expérimentation de lancement de missiles. Les œuvres de Y. Scarce retracent des histoires individuelles et immortalisent l’impact des essais nucléaires menés par le gouvernement britannique sur la vie des peuples aborigènes.
Formée comme souffleuse de verre à la University of South Australia (2003), diplômée d’un Master of Fine Art de Monash University (2010), Y. Scarce crée des reproductions en verre de « bush bananas », d’ignames, de baies sauvages, de bombes et de corps humains, qu’elle présente suspendus dans l’espace ou accumulés. Ses installations évoquent la violence exercée contre les corps, l’enlèvement forcé des bébés et l’expérience incarnée des champignons nucléaires. Ses œuvres de verre – exposées dans des contextes divers, comme sur un lit d’hôpital, à l’intérieur d’un seau, dans un récipient de laboratoire, dans la poche d’un tablier, en face d’une image d’archives ou flottant en cascade dans l’espace – mettent en lumière la relation viscérale entre la modernité, les expérimentations scientifiques et la puissance coloniale. Le verre, produit de la chaleur et du sable, matérialise les conséquences des essais nucléaires en cristallisant et en transformant le sable du désert.
Dans Blue Danube (2015), des verreries en forme d’ignames – tubercules locaux utilisés dans l’alimentation – sont présentées encapsulées dans des bombes de verre, en référence à la première bombe nucléaire opérationnelle testée par le Royaume-Uni à Maralinga. L’œuvre rend tangible la souffrance que représente le déplacement ainsi que le contrôle de la vie des peuples aborigènes par l’État militaire. In Absence (2019), œuvre commandée par la National Gallery of Victoria, est un monument vertical fait de bois peint en noir, dont l’intérieur est décoré de pièces de verre en forme d’ignames. La forme fait écho à l’espace vide de différents sites aborigènes, tels que les pièges à anguilles, les arbres creusés utilisés pour fumer le poisson ou les cascades d’eau. Perçue comme un espace de méditation, l’œuvre constitue un hommage aux pratiques ancestrales de l’agriculture qui étaient celles des peuples aborigènes avant la colonisation, sophistiquées et pourtant souvent désavouées. Dans Missile Park (2021), à l’intérieur d’abris de tôle ondulée sombres, enduits de bitume, une table en acier couverte de baies sauvages en verre représente les pertes de vies aborigènes lors des essais nucléaires britanniques à Maralinga, dans les années 1950 et 1960. Ces monuments-abris sont inspirés des recherches de l’artiste sur les mémoriaux et de son intérêt plus particulier pour l’architecture brutaliste soviétique.
À partir de 2018, Y. Scarce commence à collaborer, pour des recherches et des expositions, avec l’artiste Lisa Radford (née en 1976), basée à Melbourne. Leur projet, The Image is not Nothing (Concrete Archives), s’intéresse aux sites nucléaires qui se trouvent partout dans le monde, comme Hiroshima et Nagasaki, mais aussi aux mémoriaux de guerre liés à l’Holocauste et soviétiques. Cette collaboration mêle intrinsèquement la recherche en archives avec des œuvres d’art qui abordent l’impact des essais nucléaires à travers le monde et l’histoire de la politique de l’Australie blanche.
Un moment charnière dans la carrière de Y. Scarce est constitué par ses expositions individuelles à l’Australian Centre for Contemporary Art (Melbourne) et à l’Institute of Modern Art (Brisbane) en 2021. Sa résidence et son exposition à la Ikon Gallery, à Birmingham (2022), contribuent largement à la faire connaître sur la scène internationale, tandis que son travail est présenté au Palais de Tokyo lors de l’exposition collective Réclamer la terre (2022), aux côtés d’autres artistes écoféministes.