Borja-Villel Manuel (dir.), Velleitas : Jana Sterbak, (cat. expo.), musée d’Art moderne, Saint-Étienne ; fondation Antoni Tàpies, Barcelone ; Serpentine Gallery, Londres (1995-1996), Barcelone, Fundació Antoni Tàpies, 1995
→Godmer Gilles (dir.), Jana Sterbak, (cat. expo.), musée d’Art contemporain, Montréal (14 février – 20 avril 2003), Montréal, Musée d’Art contemporain, 2003
→Cohen Françoise (dir.), Jana Sterbak, Condition contrainte (cat. expo.) Carré d’art – musée d’Art contemporain (Nîmes, 20 octobre 2006 – 7 janvier 2007), Arles, Actes Sud, 2006
Project Room, Museum of Modern Art, New York, 1992
→Jana Sterbak, musée d’Art contemporain, Montréal, 14 février – 20 avril 2003
→Sterbak, musée Montserrat, abbaye de Montserrat (Espagne), 2014
Plasticienne canadienne.
En 1968, Jana Sterbak quitte la Tchécoslovaquie avec ses parents et s’installe au Canada. Diplômée de l’université Concordia à Montréal en 1977, elle conçoit une œuvre qui fera l’objet de nombreuses expositions monographiques. En 2003, elle représente le Canada à la Biennale de Venise. Depuis la fin des années 1970, elle s’intéresse avant tout au corps humain, qu’elle présente entravé dans la liberté de ses mouvements : il est tantôt muni de prothèses, tantôt éprouvé, soumis à un effort physique. Dans Cones on Fingers (1979), l’artiste a enroulé autour de chaque doigt d’une main un mètre à ruban de couturière, formant ainsi cinq cônes allongés ; Measuring Tape Cones (1979) présente une variante de cônes. Ces prothèses, tout en soulignant la grâce de la courbe formée par le poignet, réduisent la main à un simple objet esthétique. Tout mouvement étant désormais impossible. Avec Sisyphus (1991), elle imagine une cage au fond arrondi et instable, dans laquelle l’homme doit exécuter une étrange chorégraphie pour trouver son équilibre. Les vêtements deviennent, eux aussi, des prothèses qui aliènent ou métamorphosent le corps : les deux manches cousues de Jacket (1992) n’en font qu’une, interdisant au sujet de dévoiler ses mains ; Hairshirt (1992), destiné à être porté par une femme, est couvert de poils, imitant ainsi le torse masculin ; Inhabitation (1983) emprunte la forme d’un ventre de femmes enceinte synthétique, permettant à l’homme d’expérimenter la déformation du corps liée à la grossesse. Tout cet appareillage confère au corps une monstruosité saisissante, entre attraction et répulsion. Pour la 50e Biennale de Venise, elle réalise une vidéo diffusée sur plusieurs écrans : From Here To There est une suite de séquences filmées à Venise et au Canada par Stanley, un chien, sur lequel a été fixé une petite caméra ; le spectateur découvre ainsi la cité des Doges et les rives du Saint-Laurent à 35 centimètres du sol, à travers le regard d’un jack russel. Le chien-caméra est à nouveau utilisé en 2005 pour Waiting for High Water, film présenté la même année à la Biennale de Prague. Ces deux installations sont réunies en 2006, au musée Artium de Vitoria-Gasteiz en Espagne, à l’occasion d’une exposition monographique de la plasticienne.
Dans un autre registre, elle expérimente le détournement des matériaux ; pour Bread Bed (1979), elle dispose un matelas de pain sur un lit, tandis que Chair Apollinaire (1996) présente un fauteuil tapissé de viande. Parfois, le caractère périssable des matières employées ajoute aux sculptures une valeur de memento mori, comme pour Vanitas: Flesh Dress for an Albino Anocrectic (« Robe de chair pour un albinos anorexique », 1987), une robe en viande : recréée pour chaque nouvelle exposition selon le patron d’origine, le vêtement est désormais montré sur un buste de couture en bois et en tissu, aux côtés de la photographie de son modèle original, porté à l’époque par une jeune femme. Le thème de la vanité est aussi exploré dans Catacombs (1992) : un crâne et les os d’un squelette humain sont réalisés en chocolat. L’univers domestique a inspiré une grande partie de son œuvre, dont le mobilier fait partie : House of Pain: A Relationship, projet dessiné en 1987, représente une maison dont le centre est vide ; le « visiteur » doit suivre un parcours imposé, qui se déroule en périphérie, et dont chaque salle lui réserve une nouvelle souffrance ; une fois engagé, il ne peut guère faire demi-tour. L’aventure du visiteur fictif de cette installation s’apparente à l’expérience vécue par le visiteur réel qui contemple les œuvres de J. Sterbak : l’inquiétude côtoie l’irrépressible attraction que provoque chaque nouvelle pièce, et qui invite l’un et l’autre à pénétrer un peu plus l’univers de l’artiste. En 2011, la maison fait place au cosmos : exposé au musée Réattu d’Arles, Planetarium est composé de 15 sphères de verre monumentales créées au Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques de Marseille ; sa forme est inspirée par le geste du souffleur de verre qui, dès sa première expiration, change le magma en sphère et transforme ainsi, dans un geste de démiurge, la matière en planète.