Prix AWARE

Marion Verboom
Nommée au Prix 2019

© LVMH Métiers d’Art / Photo : Alexandre Guirkinger

Marion Verboom est une bâtisseuse. Cet aspect architectural nous propulse d’emblée vers les motifs et l’énergie qui sont en action dans son travail. Faut que ça tienne.

Marion Verboom - AWARE Artistes femmes / women artists

Marion Verboom, Cartouche, 2013, rocaille (mortier, acier et pigments), 310 x 60 x 150 cm, résidence Le Vent des Forêts 2013, © Photo : Nicolas Brasseur, © ADAGP, Paris

L’artiste développe ainsi un programme de sculpture qui s’attache avant tout à considérer le classicisme du genre. L’Histoire se trouve convoquée, avec respect et inventivité. Les temps ancestraux occupent une place élémentaire dans son imaginaire. De la Préhistoire, elle puise l’évidence. De l’Antiquité, l’équilibre. Du Moyen Âge, la narration. Et si chaque époque a son ordre, Marion Verboom en fonde un nouveau pour mieux socler la nôtre. Ses animaux magiques nous protègent. Ses cariatides mythiques nous soutiennent. Ses chapiteaux loquaces nous instruisent. Mégalithes. Pyramides. Cathédrales. Édifier est une gageure. Et l’humanité se défie pour célébrer sa condition. Ça passe par la structure.

Marion Verboom - AWARE Artistes femmes / women artists

Marion Verboom, Achronie n°10, 9, 7, 11, 2017, plâtre, résine, dimensions variables, vue de l’exposition Temporal Daten à la galerie Jérôme Poggi, Paris, © Photo : Nicolas Brasseur, © ADAGP, Paris

Marion Verboom - AWARE Artistes femmes / women artists

Marion Verboom, Goudea, 2012, céramique, 40 x 40 x 40 cm, Courtesy Galerie The Pill, Istanbul, © Photo : Nicolas Brasseur, © ADAGP, Paris

Les colonnes que Marion Verboom dresse sont tronquées et cosmopolites, décidément plurielles. L’artiste embrasse à sa manière un désir séculaire de verticalité, non pas dans la démonstration mais dans la possibilité. Porter les choses vers le haut. Parlons d’Achronies, cette série entreprise en 2016 et toujours ouverte, composée d’une foule de tirages réalisés à partir d’un répertoire d’une trentaine de moules. Les morceaux ont, dans leur diversité, les mêmes profils et diamètres afin de s’encastrer en séquences. Par cet alphabet s’écrit un mot, une phrase, un paragraphe, un texte, une littérature. Un patois se construit, parfois se conquiert. L’atelier est un champ de bataille. Des forces y opèrent. Quand Marion Verboom raconte sa pratique, elle fait des mouvements du poing, donne un coup de coude dans le vide, esquive d’un recul franc une offensive invisible. La lutte est encore tangible. Il faut l’imaginer dompter la matière, dominer la forme. Alors elle teint le plâtre, fige l’acétate, cuit la céramique, fond la cire, coule la résine, moule le laiton. À vouloir tout faire, elle tient à gérer elle-même l’agenda des matériaux, leur séchage, leur catalyse, leur cuisson. Une forme d’indépendance, quitte à se couper quelques doigts.

Marion Verboom - AWARE Artistes femmes / women artists

Marion Verboom, Boca, 2018, acétate, céramique, 135 x 15 x 15 cm, Résidence LMVH Métiers d’Art 2018, © Photo : Nicolas Brasseur & Antoine Vanoverschelde, © ADAGP, Paris

Marion Verboom - AWARE Artistes femmes / women artists

Marion Verboom, Catoblepas, 2018, acétate, céramique, laiton, 50 x 12 x 50 cm, résidence LMVH Métiers d’Art 2018, © Photo : Nicolas Brasseur & Antoine Vanoverschelde, © ADAGP, Paris

Difficile d’envisager que l’élégance puisse relever d’autant de brutalité. Ici se confirme un activisme d’orfèvre. La virtuosité de facture impose une estime horizontale au sein des métiers d’art. L’artiste évolue aux côtés d’artisans. Ça passe par l’ornement. Marion Verboom chérit particulièrement un savoir-faire bousculant, par sa classe, l’échelle des valeurs. Malgré une étymologie commune avec les ors du rococo, la rocaille est l’art du maçon. Il s’agit de façonner du beau à la truelle et la taloche, avec agilité, dans le mortier encore frais. Tout en assumant cette rugosité bien concrète, un champ lexical de la maternité surgit. Marion Verboom parle de noyaux lorsqu’elle décrit le dessin de ses compositions, de matrices et de gestation. La terre qu’elle manipule est fertile. Et tandis que la langue française tâtonne à trouver un féminin au mot sculpteur, Marion Verboom œuvre avec vigueur.

Joël Riff
 

Marion Verboom (1983) est diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2009 et rejoint le programme de résidence De Ateliers (Amsterdam-2009/2011). Son travail qui mêle dessin et sculpture a été présenté dans des expositions personnelles à l’espace 40mcube à l’occasion des Ateliers de Rennes – Biennale d’art contemporain (2012), au Musée de l’Abbaye Sainte-Croix des Sables d’Olonne (2015), à The Pill Gallery (Istanbul, 2016), ou à la galerie Jérôme Poggi (2018). Elle a participé à des expositions collectives au Musée International des Arts Modestes (Sète, 2017) ou au Frac Bretagne (Rennes, 2018). Elle a également contribué à l’installation occupant le nouvel espace du « Toguna » au sein du Palais de Tokyo qui a ouvert ses portes en 2018, et collaboré avec la Maison Chloé (2017-2018). Elle vient d’achever par une exposition ainsi que la publication d’un livre avec RVB books, sa participation à la résidence LVMH Métiers d’arts. Ses œuvres sont présentes dans plusieurs collections publiques, notamment celle du Centre national des arts plastiques (Cnap), du Fonds municipal d’art contemporain de la ville de Paris, du Frac Bretagne ou du musée d’Arts de Nantes. Elle est représentée par la galerie Jérôme Poggi (Paris) et The Pill Gallery (Istanbul).

Rapporteur :
Joël Riff est commissaire d’exposition et auteur. Pour Moly-Sabata/Fondation Albert Gleizes dont il rejoint l’équipe en 2014, il organise plusieurs projets par an et invite des artistes pour des résidences de production. Il fonde en 2008 la chronique Curiosité, qu’il publie chaque lundi matin, enseigne depuis 2010 à l’École Duperré à Paris et contribue régulièrement à la Revue de la céramique et du verre, à Code South Way et aux catalogues du Salon de Montrouge. En 2018, il assure le commissariat des monographies des peintres Mireille Blanc à la Maison des arts du Grand-Quevilly, Neil Haas au musée Estrine et Eva Nielsen à Independent Brussels, ainsi que des expositions collectives « Azur et Bermudes » à Art-O-Rama et « Glaise rousse » à Moly-Sabata.

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