Keller Sarah, Barbara Hammer. Publishing Out of the Frame, Détroit, Wayne State University Press, 2021
→Hammer Barbara, Hammer ! Making Movies out of Life and Sex, New York, The Feminist Press, 2010
Barbara Hammer : Tell me there is a lesbian forever…, Company Gallery, New York, 2 octobre – 6 novembre 2021
→Barbara Hammer – evidentiary bodies, Leslie-Lohman Museum of Gay and Lesbian Art, New York, 8 octobre 2017 – 28 janvier 2018
Vidéaste états-unienne.
Considérée comme l’une des pionnières du cinéma expérimental queer et lesbien, Barbara Hammer a réalisé près d’une centaine de films et vidéos, tournés pour la plupart en Super 8 ou en 16 mm, en quarante ans de carrière, et est devenue une figure incontournable des mouvements féministes et LGBTQI+.
B. Hammer a d’abord fait des études de psychologie et de littérature anglaise à l’University of California à Los Angeles dans les années 1960, avant d’étudier le cinéma à la San Francisco State University aux débuts des années 1970. Ce changement d’orientation est concomitant de la découverte de sa sexualité : elle quitte son mari, tourne ses premiers films et fait son coming-out lesbien.
En 1974, alors qu’elle se revendique féministe et lesbienne depuis peu, elle réalise Dyketactics, véritable manifeste révolutionnaire et hymne aux désirs saphiques et aux plaisirs entre femmes. Dans une première partie, elle filme une communauté de femmes dansant, se baignant, vivant nues en pleine nature, tandis que la seconde partie est plus explicitement érotique : on y voit l’artiste et sa partenaire faisant l’amour. Rompant avec l’omniprésence du male gaze dans le cinéma expérimental et érotique mainstream, B. Hammer réalise le premier film lesbien imaginé par une lesbienne. Tout au long des années 1970, ses films (tels que Superdyke, 1975 ; Superdyke meets Madame X, 1976 ; Women I Love, 1976 ; Multiple Orgasm, 1976) mettent en image ce que les théories féministes pro-sexes prônent à la même époque et abordent ainsi des sujets tabous tels que les menstruations, le plaisir et l’orgasme féminin, les relations non exclusives et polyamoureuses, le lesbianisme.
Dans les années 1980, comme d’autres artistes et activistes LGBTQI+, elle dénonce l’homophobie de l’État et des organismes biomédicaux en pleine pandémie du VIH/sida, et réalise Snow Job : The Media Hysteria of AIDS (1986). Proposant un montage à partir de différentes unes de la presse écrite mainstream, ou de journaux et d’émissions télévisées, ce film traite des années Reagan (1981-1989), période où l’on parle de « gay disease [maladie des gays] » alors que des milliers de personnes meurent dans l’indifférence totale. Au cours des années 1990, B. Hammer imagine une trilogie (Nitrate Kisses, 1992 ; Tender Fictions, 1995 ; History Lessons, 2000) consacrée à l’invisibilisation des minorités de genre, de sexualité et de race dans les discours historiques dominants face auxquels elle propose des contre-récits gays et lesbiens.
À partir de 2006, les sujets de ses films se voient affectés par la maladie et le diagnostic d’un cancer des ovaires de stade 3. S’ensuivent douze années de traitement et de chimiothérapie retracées dans A Horse Is Not A Metaphor (2009) : elle y filme son quotidien à l’hôpital, l’accompagnement de sa femme, Florrie R. Burke, l’acceptation de son corps vieillissant et malade. Extrêmement combative et déterminée face au cancer, elle publie son autobiographie, Hammer. Making Movies Out of Sex and Life, en 2010. En 2018, elle mène une conférence performée au Whitney Museum of American Art à New York intitulée The Art of Dying or (Palliative Art Making in the Age of Anxiety), lors de laquelle elle défait les tabous liés à la mort, au droit de disposer de sa propre mort, à la douleur et à la maladie. Elle connaît une grande reconnaissance institutionnelle à la fin de sa vie : Barbara Hammer Evidentiary Bodies à New York, au Museum of Modern Art (2010) et au Leslie-Lohman Museum of Gay and Lesbian Art (2017), Barbara Hammer: The Fearless Frame à la Tate Modern à Londres (2012), ou encore Les visions risquées de Barbara Hammer au Jeu de paume à Paris (2012).
B. Hammer succombe à la maladie le 16 mars 2019.