Sitney P. Adam, Eyes Upside Down: Visionary Filmmakers and the heritage of Emerson, Oxford, Oxford University Press, 2008
→Blaetz Robin, Women’s Experimental Film: Critical Frameworks, Durham, Duke University Press, 2007
→Brakhage Stan, Film at Wit’s End: Eight Avant-Garde Filmmakers, New-York, Documentext McPherson & Co, 1989
Retrospective Andy Warhol : Marie Menken, projection du film Andy Warhol, 1965, Centre Pompidou, Paris, 31 mars 2001
Réalisatrice états-unienne.
Née à Brooklyn dans une famille modeste d’immigrés lituaniens, Marie Menken est considérée comme l’une des figures essentielles de l’avant-garde cinématographique américaine. Peintre de formation et associée à la deuxième génération d’artistes abstraits de l’École de New York – aux côtés d’Alfred Leslie (1927-), Franz Kline (1910-1962) ou encore Helen Frankenthaler (1928-1911)–, elle expose ses œuvres dès la fin des années 1940 dans les mythiques galeries Betty Parsons et Tibor de Nagy. Avec son mari Willard Maas, elle cofonde à la même époque The Gryphon Group, première maison de production cinématographique expérimentale autour de laquelle se regroupent artistes, cinéastes et intellectuels.
Traversée par la théorie moderniste, l’esprit néo-dadaïste Fluxus ou encore l’art pop d’Andy Warhol (1928-1987) avec qui elle multiplie les collaborations, la filmographie de la cinéaste constitue rétrospectivement un point d’observation idéal pour mesurer l’évolution des pratiques artistiques à New York au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Soucieuse de rompre avec la nature statique de la toile, M. Menken entrevoit dans l’image en mouvement la possibilité de dynamiser les principes de composition et d’élargir le cadre de l’expérience picturale. Expérimentant la plasticité de l’image cinématographique, elle explore à travers ses films les propriétés du mouvement et de la lumière pour formuler les fondements d’une esthétique singulière où s’articulent spontanéité de la vision et performativité des images. Réalisé autour d’une idée visuelle simple, Drips and Strips (1963), littéralement gouttes et bandes, renvoie à une expérience de la peinture filmée en temps réel : une action picturale (action painting) enregistrée objectivement sur un support argentique 16 mm. Face à l’objectif impassible et immobile de la caméra, « des éclaboussures de peinture réagissent à la gravité, formant leurs propres motifs et combinaisons de couleurs » explique la cinéaste dans une note qui accompagne le film. Délibérément absente à l’image, la cinéaste projette sur une vitre dressée verticalement des gouttelettes de peinture (dripping) qui finissent par animer lentement la surface d’un plan volontairement dépourvu de profondeur. Débordant du simple cadre de l’expérimentation formelle, le film esquisse les contours d’une relecture critique, non sans ironie, d’un expressionnisme abstrait américain héroïque immortalisé par Hans Namuth (1915-1990) et Paul Falkenberg (1903-1986) dans leur film Jackson Pollock 51 (1951) dont M. Menken semble rejouer sans complexe l’iconographie à contre sens.
Publication en partenariat avec le Centre Pompidou, dans le cadre de l’exposition Elles font l’abstraction présentée au Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Galerie 1, Paris, du 5 mai au 23 août 2021, sous le commissariat de Christine Macel et de Karolina Ziebinska-Lewandowska (pour la photographie), assistées de Laure Chauvelot. Notice tirée du catalogue de l’exposition publié par les éditions du Centre Pompidou ©Éditions du Centre Pompidou, 2021