Critique

Des formes naturelles, la sculpture de Barbara Hepworth

12.01.2020 |

Barbara Hepworth, Sun and Marble, 1971, lithographie, 76,4 x 54,3, Tate, Barbara Hepworth © Bowness, © Photo : Tate

Longtemps perçue à tort comme une disciple de Henry Moore (1898-1986), Barbara Hepworth (1903-1975) est l’autrice d’un œuvre que le musée Rodin à Paris met actuellement à l’honneur. Construite en quatre sections, l’exposition s’avère la première rétrospective dédiée à la sculptrice anglaise dans la capitale française.

La première partie, « Barbara Hepworth et la France », s’articule autour d’archives et de sculptures afin d’aborder la réception en France de l’œuvre de l’artiste. Proche du groupe Abstraction-Création dans les années 1930 puis du Salon des réalités nouvelles après la Seconde Guerre mondiale, cette dernière côtoie pendant l’entre-deux-guerres de nombreuses figures domiciliées à Paris. Par l’intermédiaire de son mari, le peintre anglais Ben Nicholson (1894-1982), elle est l’amie d’Alexander Calder (1898-1976), de Naum Gabo (1890-1977), de Robert Delaunay (1885-1941), de Piet Mondrian (1872-1944), ou encore de Theo Van Doesburg (1883-1931).

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Barbara Hepworth Museum St. Ives, © Bowness, © Photo : Matt Greenwood

Dans la deuxième section sont évoqués, grâce à une riche documentation, ses envois à destination des expositions de sculpture contemporaine sises au musée Rodin de Paris, qui ont marqué le début de sa reconnaissance internationale. Reçue en 1961, une commande d’un monument destiné au siège de l’ONU à New York est ainsi montrée à côté d’archives personnelles rappelant les différentes amitiés de la sculptrice.

« L’atelier », troisième partie du parcours, comporte une reconstitution partielle du lieu de travail de B. Hepworth à Saint Ives, en Cornouailles. Émaillé de quelques dessins et peintures donnant à voir l’importance du geste, cet ensemble est complété de deux vidéos, lesquelles abordent le primat du paysage pour la sculptrice.

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Barbara Hepworth, Pelagos, 1946, bois d’orme et cordes, 43 x 46 x 38,5 cm, Tate, Barbara Hepworth © Bowness, © Photo : Tate

L’eau, le sable…, autant d’éléments qui enthousiasment l’artiste, à la suite de Jean Arp (1886-1966), de Fernand Léger (1881-1955) ou de Le Corbusier (1887-1965). Les pièces exposées dans cette salle suggèrent des phénomènes naturels, tel le polissage du galet par la mer. Taillées directement, sans être passées par le modelage cher au maître rodinien, les sculptures en pierre ou en bois, parfois traversées de fils tendus, montrent des tensions opérantes. Les formes sphériques, telle celle qui illustre le visuel publicitaire et la couverture du catalogue1, rappellent certains éléments naturels ou cosmiques, rapprochant une nouvelle fois l’œuvre de B. Hepworth de ceux de J. Arp et de Sophie Taeuber (1889-1943). L’artiste se penche aussi sur le passé préhistorique de son pays lorsqu’elle réalise ses Menhirs dans les années 1930, débarrassés du nationalisme auquel les représentations des sites mégalithiques sont souvent associées pendant l’entre-deux-guerres en Grande-Bretagne.

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Barbara Hepworth, Hollow Form with White, 1965, bois d’orme, 134,6 x 58,4 x 46,4 cm, Tate, Barbara Hepworth © Bowness, © Photo : Tate

« La joie vivante des formes », dernière partie de l’exposition, dévoile finalement la diversité des matériaux utilisés à travers quelques ensembles particulièrement bien choisis. Auréolées d’une belle lumière naturelle qui émane d’une verrière zénithale, les sculptures en bronze, en pierre ou en bois révélées dans l’ultime salle témoignent du savoir-faire de l’artiste, du lien entre « esthétique et matière2 », celui-là même qui a passionné auparavant Constantin Brancusi (1876-1957), admiré par B. Hepworth. Hollow Form with White (1965), sorte de haricot biomorphe géant, présente par exemple une belle surface polie, celle du bois d’orme, dont l’intérieur peint en blanc évoque le goût de la sculptrice pour les matériaux et les couleurs. Sea Form (Porthmeor) (1958) montre quant à lui son intérêt pour les courants marins, que rappelle la patine du bronze savamment travaillée.

Le public sort apaisé par la sérénité que dégage cet art méticuleux et patient, celui que montre cette exposition attendue depuis de nombreuses années. On peut regretter qu’aucune œuvre de B. Hepworth ne soit conservée dans les collections publiques françaises ; il est cependant à souhaiter que l’initiative du musée Rodin encourage d’autres événements de ce type.

 

Barbara Hepworth, du 5 novembre 2019 au 22 mars 2020, au musée Rodin (Paris, France).

1
Chevillot Catherine et Matson Sara (dir.), Barbara Hepworth, cat. expo. musée Rodin, Paris, 5 novembre 2019-22 mars 2020, Paris, In fine, 2019.

2
Ibid., p. 15.

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