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Être une femme sculpteur dans la première moitié du XXe siècle : le cas de Claire J. R. Colinet

04.05.2019 |

Claire Colinet, Danse de Carthage, vers 1920, bronze doré peint à froid sur un socle en marbre, localisation inconnue, © Photo : Christie’s

Si les statuettes de type Art déco réalisées dans l’entre-deux-guerres par Claire Jeanne Roberte Colinet (1885-1972), telle la Danse de Carthage (vers 1920), circulent encore beaucoup sur le marché de l’art, très peu d’éléments sont connus sur sa vie et son œuvre. En effet, aucune recherche approfondie ne lui avait été consacrée jusqu’à présent.

Dans un premier temps, ce mémoire retrace les grandes étapes du parcours artistique et personnel de C. Colinet : de sa naissance en 1885 à Bruxelles, sa brève production littéraire, sa formation à la sculpture auprès de son père puis de Jef Lambeaux (1852-1908) et sa première participation à une exposition – au Salon de printemps en 1912 – jusqu’à sa présence considérable sur la scène artistique parisienne entre 1913 et 1940 et son décès en 1972 à Asnières-sur-Seine. Ce travail non seulement adopte une approche chronologique et factuelle, mais souligne plus particulièrement les différentes stratégies mises en place par cette artiste femme pour établir sa carrière artistique.

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Claire Colinet, Allégorie de la Musique, vers 1935, pierre, Asnières-sur-Seine, façade du Centre administratif et social communal, © Photo : Archives municipales d’Asnières-sur-Seine

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Carte postale d’époque présentant sur son recto une photographie de Claire Colinet en train de sculpter dans son atelier à Bruxelles, signée : « Cl. Godchaux Colinet », datée du 19 novembre 1910 et localisée à Bruxelles. Sur le verso, Claire Colinet et son premier époux Georges Godchaux présentent leurs vœux pour l’année 1911 à des proches. Reproduite dans Shayo Alberto, Statuettes of the Art Deco Period, Woodbridge, ACC Art Books, 2016, p. 69.

En tant que femme, elle a en effet dû légitimer son incursion dans un domaine essentiellement masculin et, pour ce faire, a usé de plusieurs moyens. En plus d’un apprentissage en atelier privé auprès d’un maître réputé, elle a abondamment participé à des salons de tendance plus traditionaliste tels ceux qu’organisaient l’Union des femmes peintres et sculpteurs, l’École française ou la municipalité d’Asnières-sur-Seine, ou au Salon des artistes français, qui incarnait l’art officiel et qui l’a du reste primée d’une mention honorable en 1914. Par ailleurs, elle a été nommée officier d’académie en 1912 et officier de l’Instruction publique en 1924. Ces diverses reconnaissances institutionnelles lui permirent, d’une part, de voir certaines de ses sculptures reproduites en bronzes ornementaux par plusieurs éditeurs d’art – entre autres Gustave Leblanc-Barbedienne, Arthur Goldscheider, Edmond Etling et Les Neveux de J. Lehmann –, éditions qui lui apportèrent des revenus non négligeables et accrurent la diffusion de son œuvre, d’autre part, d’obtenir dans les années 1930 plusieurs commandes publiques – citons l’Allégorie de la Musique de 1935, placée au fronton du centre administratif et social d’Asnières-sur-Seine. Signalons également, quant à la question de la professionnalisation de son statut d’artiste femme, le choix d’une signature, « C(l).J.R.Colinet », dont est absente toute figure maritale mais où sont présentes les initiales de ses trois prénoms, soulignant une « auctorialité [sic] plus explicitement personnelle1 », et la construction de son image sociale en tant qu’artiste par la diffusion d’un cliché – utilisé notamment comme carte de vœux par l’artiste et son premier époux, Georges Godchaux, pour l’année 1910 – qui montre la femme sculpteur dans l’acte même de la création, vêtue de sa tenue de travail et les outils à la main, dans son atelier.

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Claire Colinet, Radieuse aurore ou Tête d’enfant, 1928, silithe, Ivry, Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles de la Ville de Paris. Reproduite dans Sterckx Marjan, « Parcours de sculptrices entre Belgique et France. Présence et accueil », in Cahiers de l’IRHIS, no 2, 2007, p. 23

Dans un second temps, ce travail de recherche nous permet de redécouvrir nombre d’œuvres de C. Colinet jusqu’ici oubliées – telle Radieuse aurore (1928) – et de dresser un panorama plus large de sa production artistique. L’analyse thématique et stylistique qui en est proposée intègre cette artiste dans son temps – au sein des tendances Art déco, symboliste ou encore de la pratique du portrait –, tout en dégageant les spécificités propres à son travail sculptural – notamment dans le rendu d’un corps féminin réaliste, comme témoin de son regard de femme sur les corps de ses modèles.

 

Mémoire de recherche de master, dirigé par Sébastien Clerbois et soutenu par Margot Eben, le 5 août 2018, au sein de l’Université libre de Bruxelles (Belgique).

1
Foucher Zarmanian Charlotte, Créatrices en 1900. Femmes artistes en France dans les milieux symbolistes, Paris, Mare & Martin, 2015, p. 147.

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Pour citer cet article :
Margot Eben, « Être une femme sculpteur dans la première moitié du XXe siècle : le cas de Claire J. R. Colinet » in Archives of Women Artists, Research and Exhibitions magazine, [En ligne], mis en ligne le 4 mai 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://awarewomenartists.com/magazine/etre-une-femme-sculpteur-dans-la-premiere-moitie-du-xxe-siecle-le-cas-de-claire-j-r-colinet/.

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