Critique

Maria Lai : le fil infini de l’imagination

09.11.2019 |

Maria Lai, Senza titolo [Sans titre], 1991 , fil et tissu, 18 x 16 cm, collection particulière, Courtesy Archivio Maria Lai, © Photo : Giorgio Dettori, © Archivio Maria Lai by SIAE 2019

À Rome, le Museo Nazionale delle Arti del XXI Secolo (MAXXI) consacre à l’artiste italienne Maria Lai (1919-2013) une rétrospective de grande envergure à l’occasion du centenaire de sa naissance.

Maria Lai : le fil infini de l’imagination - AWARE Artistes femmes / women artists

Maria Lai, La mappa di Colombo [La carte de Colombo], 1983, fil et tissu, 122 x 170 cm, Collection Fondazione Stazione dell’Arte, Courtesy Fondazione Stazione dell’Arte, © Photo : Tiziano Canu, © Archivio Maria Lai by SIAE 2019

Originaire d’Ulassai, un petit village de l’arrière-pays sarde, M. Lai développe une pratique artistique animée par une profonde méditation sur les traditions, les légendes et les fables issues de sa terre d’origine. Si la relation au territoire demeure au cœur de ses recherches, elle semble traverser les courants artistiques de son époque telle une apatride, traçant son propre chemin aux marges des mouvements dominants de l’informel et de l’abstraction géométrique. La rencontre avec Arturo Martini (1889-1947), son enseignant à l’Accademia di Belle Arti de Venise, l’amène à élaborer langage formel en lien avec le monde des mythes et des archétypes. La relation d’amitié qu’elle noue avec l’écrivain sarde Salvatore Cambosu est également importante : celui-ci insuffle dans son travail les empreintes poétiques et narratives qui font d’elle une figure atypique dans le paysage de l’art italien.

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Maria Lai, Tenendo per mano il sole [Tenant le soleil par la main], 1984-2004, fil, tissu et velours, 33 x 63 cm, Courtesy Archivio Maria Lai, © Photo : Francesco Casu, © Archivio Maria Lai by SIAE 2019

L’exposition Tenendo per mano il sole [Tenir le soleil par la main] emprunte son titre à la première fable cousue de l’artiste, réalisée en 1984, et rend ainsi hommage au rôle central de l’élément narratif dans sa pratique. Le parcours prend la forme d’un récit se concentrant sur les différentes étapes de sa deuxième période d’activité, à savoir sur les œuvres qu’elle crée à partir des années 1960 et qui seront présentées au public seulement à partir de 1971. Entre le début de sa carrière et les années au cours desquelles elle produit le corpus montré au sein de l’institution romaine s’écoulent presque dix ans durant lesquels l’artiste se retire du monde de l’art, connaît une profonde crise personnelle et se rapproche du milieu littéraire. Grâce à son amitié avec l’écrivain Giuseppe Dessì, M. Lai redécouvre la valeur de la tradition sarde et puise notamment dans la culture féminine du tissage, en transformant l’acte de coudre en un geste artistique et non fonctionnel. Réparties en cinq sections thématiques, les pièces exposées au MAXXI sont traversées par le leitmotiv du fil qui est à la fois matériau et objet métaphorique évoquant l’idée de relation, d’union et de proximité. Comme le suggère le premier chapitre, Essere è tessere [Être, c’est tisser], le besoin d’établir des relations entre les choses et les individus sous-tend toutes les œuvres de l’artiste.

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Maria Lai, Telaio del meriggio [Cadre de midi], 1967, bois, ficelle, toile, peinture, 100 x 153 x 20 cm, Collection Fondazione Stazione dell’Arte, Courtesy Fondazione Stazione dell’Arte, © Photo : Tiziano Canu, © Archivio Maria Lai by SIAE 2019

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Maria Lai travaillant à La scarpata [L’escarpement], UIassai, 1993, © Photo : Maria Sofia Pisu

Des premiers Telai [Métiers à tisser], en passant par les Tele cucite [Toiles cousues], les Fiabe cucite [Fables cousues], les Geografie [Géographies], jusqu’à la dernière section, dédiée aux actions performatives des années 1980, le public est plongé dans un univers qui accorde au jeu et à l’imagination une place centrale dans cette opération de tissage. Pour M. Lai, ces deux activités, loin d’appartenir exclusivement au monde de l’enfance, jouent un rôle fondamental dans l’élaboration du lien social et d’une vision politique du monde. L’art est pour elle un catalyseur de rencontres, comme l’indique son œuvre Legarsi alla montagna [Se lier à la montagne, 1981] – un des premiers exemples d’art relationnel en Italie –, pour laquelle l’artiste implique les habitants d’Ulassai dans la fabrication d’un long ruban destiné à relier toutes les maisons du village à la montagne voisine, en hommage à une ancienne légende locale.

À travers cette exposition, le processus de reconnaissance de l’œuvre de M. Lai, initié en 2017 à l’occasion de documenta 14 de Cassel et de la Biennale de Venise, s’enrichit d’une nouvelle étape, qui présente au public plus de 200 œuvres, pour la plupart inédites.

 

Maria Lai. Tenendo per mano il sole, du 19 juin 2019 au 12 janvier 2020 au Museo Nazionale delle Arti del XXI Secolo (MAXXI) (Rome, Italie).

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Pour citer cet article :
Elena Cardin, « Maria Lai : le fil infini de l’imagination » in Archives of Women Artists, Research and Exhibitions magazine, [En ligne], mis en ligne le 9 novembre 2019, consulté le 25 avril 2024. URL : https://awarewomenartists.com/magazine/maria-lai-le-fil-infini-de-limagination/.

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