Passage du Bosphore, trois artistes turcs contemporains : Selda Asal, Selim Birsel, Gülsün Karamustafa, cat. expo., musée de Picardie, Amiens (24 décembre 1999 – 2 avril 2000), Amiens, Musée de Picardie, 1999
→Gülsün Karamustafa. Chronographia, Berlin, Verlag für moderne Kunst, 2017
Gülsün Karamustafa, musée d’Art et d’Histoire, Genève, 1999
→A Promised Exhibition, SALT, Istanbul, 10 septembre 2013 – 5 janvier 2014
→Gülsün Karamustafa. Chronographia, Hamburger Bahnhof – Museum für Gegenwart, Berlin, 10 juin 2016 – 15 janvier 2017
Plasticienne de Turquie.
Gülsün Karamustafa est considérée comme l’une des artistes les plus importantes de la seconde moitié du XXe siècle en Turquie. Elle se forme dans l’atelier du peintre Bedri Rahmi Eyüboglu (1911-1975) à l’Académie nationale des beaux-arts d’Istanbul (aujourd’hui l’université des beaux-arts Mimar-Sinan) de 1964 à 1969, et structure son œuvre autour des thèmes de la nation, de la classe sociale et des constructions culturelles dans la Turquie moderne, ainsi que sur les notions de citoyenneté et d’agencéité humaine, les récits coloniaux, les voies de résistance et les migrations liées aux conflits. Dans les narrations qu’elle met en scène, qui s’appuient sur ses observations humanistes, les personnages sont en majorité des femmes. Depuis le milieu des années 1970, G. Karamustafa n’a eu de cesse de créer, comme s’il s’agissait d’une forme de résistance, au moyen de médiums aussi variés que la peinture, l’installation, la performance ou la vidéo. G. Karamustafa est l’une des premières artistes à pratiquer une poétique politique et à défendre sa propre liberté dans le monde de l’art contemporain qui se développe alors en réaction à l’oppression politique et intellectuelle menée par l’État turc.
Son point d’ancrage a toujours été Istanbul, ville qui, comme elle-même, ne peut être réduite à une définition binaire, dans la mesure où elle est synonyme d’un certain état d’esprit pour l’artiste qui aime jouer avec les différentes méthodologies de l’historiographie sociale et culturelle. « Qui est habilité à raconter l’histoire et pourquoi ? » est la question qui motive sa recherche incessante. Les matériaux banals à la portée de l’humain deviennent le moteur de ses installations colorées. Forte de ce positionnement particulier, elle axe son travail sur une fusion de temporalités et d’espaces et part en quête de liens inconnus entre différentes géographies, avec une curiosité inébranlable qui l’attire vers les iconographies effacées, les récits invisibles de femmes, les migrants et leurs histoires, les limitations auxquelles font face les catégories sociales et culturelles qui ne sont pas considérées à leur juste valeur.
G. Karamustafa ne voit pas la politique comme une question personnelle, mais plutôt comme un état de conflit qui surgit de manière imprévisible dans la vie quotidienne. Son œuvre monumentale Mystic Transport (1992), qui lui vaut à juste titre une reconnaissance internationale, exemplifie ce conflit grâce à des édredons en satin multicolores confectionnés à la main et présentés dans des paniers à roulettes disposés les uns à proximité des autres dans l’ensemble de l’espace d’exposition, le public étant invité à les déplacer. Une autre installation plus récente, The Apartment Building (2012), illustre le choc entre le personnel et le collectif en plongeant le public dans l’histoire douloureuse de l’immeuble dans lequel elle vit depuis 1991 : construit en 1931, ce bâtiment était le lieu de résidence de la famille Vaslamatzis qui a dû quitter le pays à la suite des pogroms conduits contre les minorités les 6 et 7 septembre 1955.
Le fait que G. Karamustafa intitule une œuvre Create Your Own Story with the Given Material (1997) exprime également le point de vue qu’elle a choisi d’adopter en tant que sujet, artiste et citoyenne pour s’attaquer aux événements complexes et au discours historique fragmentaire de son pays. Ce genre de mise en contexte constitue un potentiel que l’artiste façonne dans chaque histoire qu’elle crée pour combattre les récits existants et pour s’en libérer. Parmi ses expositions individuelles les plus importantes, citons notamment Chronographia au Hamburger Bahnhof – Museum für Gegenwart à Berlin (2016-2017) et A Promised Exhibition, organisée par le SALT à Istanbul (2013-2014). Sa monographie, Gülsün Karamustafa. Chronographia, paraît en 2016 aux éditions Verlag für Moderne Kunst, en collaboration avec le Hamburger Bahnhof – Museum für Gegenwart à Berlin. Son œuvre prolifique a marqué de son influence plusieurs jeunes générations d’artistes depuis les années 1990.